Le rouleau d’Ésaïe

Un jour de mars 1947, un jeune Arabe du nom de Muhammed edh Dhib escaladait les rochers escarpés de la côte occidentale de la mer Morte. Au cours de son équipée, il jeta une pierre dans une faille des rochers. Il entendit alors un bruit de vaisselle cassée. Il pénétra dans ce qui s’avéra être une grotte dans laquelle il découvrit plusieurs jarres de terre cuite dont l’une avait été cassée par sa pierre. Elle contenait un paquet de bouts de cuir sales et nauséabonds.

Il revint plus tard avec quelques membres de sa tribu, ils découvrirent au fond de cette même caverne quarante vases identiques qui contenaient tous des rouleaux de parchemin en fort mauvais état. C’étaient les célèbres manuscrits de la mer Morte. Depuis, on a fouillé systématiquement et à fond toutes les grottes dans ces environs montueux de la mer Morte, et l’on a retrouvé de nombreux autres parchemins dont la plupart sont des textes de l’Ancien Testament.

Il ne fallut pas longtemps aux savants pour se rendre compte qu’ils se trouvaient devant une importante collection de manuscrits bibliques beaucoup plus anciens que tous ceux que nous connaissions jusqu’alors. En ce qui concerne l’Ancien Testament, les plus anciens manuscrits connus datent du dixième siècle après Jésus-Christ ; c’est-à-dire que pour les écrits d’Ésaïe par exemple nous ne sommes pas en possession de l’original rédigé quelque 700 ans avant Jésus-Christ. Nous n’avons qu’une copie de l’original. Le livre d’Ésaïe a été copié maintes et maintes fois au cours des siècles. La copie que nous avons a été faite au dixième siècle seulement après Jésus-Christ. Cette copie provient évidemment d’une autre copie plus ancienne, laquelle provient d’une autre copie plus ancienne encore.

On peut se demander si le travail de copie, si souvent répété, n’a pas à la longue altéré le texte original. La question se posait ainsi : Ésaïe reconnaîtrait-il son œuvre dans cette copie que 17 siècles séparent de l’original ?

Tout le texte d’Ésaïe

Mais voilà que dans l’une de ces grottes on découvre un magnifique rouleau, un manuscrit contenant tout le texte d’Ésaïe, transcrit sur des bandes de cuir cousues entre elles. Ce rouleau a environ sept mètres vingt de long sur environ trente centimètres de large. Ce que ce rouleau a de sensationnel (c’est le moment d’utiliser enfin cet adjectif à bon escient), c’est que les savants sont d’accord pour le dater d’avant l’année 100 avant Jésus-Christ – c’est-à-dire qu’il est antérieur de plus de dix siècles au manuscrit le plus ancien que nous connaissons.

On dira que ce manuscrit pourtant très ancien est encore tout de même séparé de l’original par près de six cents ans, mais on allait pouvoir se rendre compte si les siècles de travail de copie pouvaient modifier un texte donné. Ces deux copies faites à onze siècles d’intervalle, celle que nous avions et celle que nous venons de découvrir, étaient-elles identiques ou présentaient-elles de nombreuses et de sérieuses différences ? Le fait est que les deux textes, après examens minutieux, se sont révélés identiques, à l’exception de quelques variantes n’affectant aucunement le sens du texte. La transmission avait été fidèle. Il est dès lors permis de croire plus que jamais que ces copies s’avéreraient identiques à l’original si par extraordinaire on devait le retrouver.

Je n’ai pas l’intention de faire ici un cours d’archéologie biblique. De ce qui précède, je voudrais seulement que l’on retienne que nous avons en notre possession un texte de l’œuvre d’Ésaïe, un des grands prophètes d’Israël, précédant d’un siècle la venue de Jésus sur la terre. Nous allons dès lors pouvoir pleinement goûter à toute la richesse prophétique de ce que l’on appelle à juste titre : la prophétie d’Ésaïe.

On attendait un roi guerrier

Nous savons qu’au moment où Jésus commença à prêcher en public son Évangile de paix et d’amour, il était loin de correspondre à l’image du Messie qu’entretenaient ses contemporains. Pour les Juifs de cette époque, le Messie devait être avant tout un roi guerrier, conquérant et vengeur. Ils attendaient donc depuis des siècles celui qui viendrait se placer à leur tête, lever une armée, chasser l’occupant romain et rétablir la gloire d’Israël de l’époque de David et de Salomon dont tous les Juifs conservaient un souvenir nostalgique.

C’est le bon berger qui est venu

Au lieu de cela, que voient-ils en la personne de Jésus de Nazareth ? Une sorte de rabbin ambulant dont les propos, dont l’attitude, ne permettaient pas de l’assimiler à un agitateur politique. On l’entend dire : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » « Heureux les affligés, car ils seront consolés ! » « Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés. » Les résistants juifs qui attendaient avec impatience le jour de gloire d’Israël avaient peut-être trouvé dans cette dernière parole matière à espérer ; mais que pouvaient-ils espérer d’un « heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » ? Et leur dernier espoir a dû s’évanouir lorsqu’ils l’entendirent déclarer : « Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux ! » (Matthieu 5.1-12).

Ils reçurent le coup de grâce lorsqu’il déclara :

« Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil, et dent pour dent. Mais moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu’un te frappe sur la joue droite, présente-lui aussi l’autre… Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 5.38,39,43-45)

Il est vrai que ces paroles avaient quelque chose de révolutionnaire. Mais ce n’est pas ce genre de révolution que les Juifs attendaient d’autant plus qu’ils l’entendront dire encore : « Je suis le bon berger. Le bon berger donne sa vie pour ses brebis » (Jean 10). Un messie qui veut mourir ! C’en est trop ! Et c’est avec un mélange de haine et de dépit qu’un peu plus tard ils crieront : « Crucifie-le ! Qu’il soit crucifié ! »

Souvenez-vous cependant de sa dernière réunion avec ses apôtres lorsque, prenant du pain, il rendit grâces, le rompit et le leur donna en disant : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. Prenant ensuite une coupe, il rendit grâces et la leur donna en disant : Buvez-en tous ; car ceci est mon sang, le sang de l’alliance qui est répandu pour plusieurs pour la rémission des péchés » (Matthieu 26.26-28). Jésus savait donc très bien qu’il était venu pour donner sa vie et que ce sacrifice était nécessaire. Ne leur avait-il pas dit quelques jours auparavant :

« C’est ainsi que le Fils de l’homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme rançon de plusieurs. » (Matthieu 20.28)

Ésaïe l’avait prédit

Or, c’est précisément cet aspect du Christ méconnu par les siens, serviteur souffrant, qu’Ésaïe avait révélé et annoncé bien avant sa venue.

Voici comment il s’exprimait plus de sept siècles avant les événements auxquels il fait allusion :

« Voici mon serviteur prospérera ; il montera, il s’élèvera, il s’élèvera bien haut…

Il s’est élevé devant lui comme une faible plante, comme un rejeton qui sort d’une terre desséchée ; il n’avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé et abandonné des hommes ; homme de douleur et habitué à la souffrance, semblable à celui dont on détourne le visage, nous l’avons dédaigné, nous n’avons fait de lui aucun cas. » (Ésaïe 52.13; 53.2,3)

Le prophète parle donc d’un personnage qu’il ne connaît pas, mais qui doit venir. C’est l’Esprit de Dieu qui le pousse à parler ainsi d’une réalité encore future. Mais nous, nous pouvons reconnaître celui qu’il décrit ainsi. Il s’agit bien de Celui que Jean appelle la lumière et la Parole (Jean 1.1,9), cette lumière qui est venue chez les siens et qui a été rejetée (Jean 1.11).

L’apôtre Paul expliquera plus tard dans un discours célèbre aux Juifs d’Antioche que :

« Les habitants de Jérusalem et leurs chefs ont méconnu Jésus ; et, en le condamnant, ils ont accompli les paroles des prophètes qui se lisent chaque sabbat. » (Actes 13.27)

Le Messie est donc venu comme le prophète l’avait dit ; et comme il l’avait annoncé, il a été méconnu et rejeté. Il continue :

« Cependant, ce sont nos souffrances qu’il a portées, c’est de nos douleurs qu’il s’est chargé ; et nous l’avons considéré comme puni, frappé de Dieu et humilié. Mais il était blessé pour nos péchés, brisé pour nos iniquités ; le châtiment qui produit la paix est tombé sur lui ; et c’est par ses meurtrissures que nous sommes guéris. Nous étions tous errants comme des brebis, chacun suivant sa propre voie ; et l’Éternel a fait retomber sur lui l’iniquité de nous tous. » (Ésaïe 53.4-6)

On ne peut manquer d’être frappé par le ton purement évangélique de ce texte. On dirait tellement un passage de l’Évangile qu’on l’a appelé le cinquième Évangile. Pourtant, il a été rédigé, je le répète, plus de sept siècles avant que Matthieu, Marc, Luc et Jean rédigent les messages qui portent leur nom. Toute la signification de la mort de Jésus est ici magnifiquement exprimée par un prophète qui demeurait sans doute perplexe devant ses propres écrits.

L’apôtre Pierre explique à cet égard que les prophètes ont fait des recherches et des investigations,

« … voulant sonder l’époque et les circonstances marquées par l’Esprit de Christ qui était en eux, et qui attestait d’avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. » (1 Pierre 1.11)

Jésus maltraité comme Ésaïe l’a dit

Souvenez-vous, chers amis, du mauvais traitement que Jésus a subi de la part des Juifs et des soldats ; souvenez-vous de sa soumission et de son silence devant les moqueries, les coups, les injures et la mort – et tremblez d’émotion avec moi tandis que vous entendez comment Ésaïe a décrit cela des siècles à l’avance :

« Il a été maltraité et opprimé, et il n’a point ouvert la bouche, semblable à un agneau qu’on mène à la boucherie, à une brebis muette devant ceux qui la tondent ; il n’a point ouvert la bouche… Et parmi ceux de sa génération, qui a cru qu’il était retranché de la terre des vivants et frappé pour les péchés de mon peuple ? » (Ésaïe 53.7,8)

Nous pourrions continuer longtemps sur ce même sujet, examiner d’autres prophéties qui nous parlent avec la même précision de Jésus-Christ le Messie et Sauveur ; de sa naissance miraculeuse (Ésaïe 7.14) ; du lieu de sa naissance connu des siècles à l’avance (Michée 5.1) ; jusqu’au fait que l’on se partagerait ses vêtements, que l’on tirerait au sort sa tunique (Psaume 22.19) et que l’on percerait ses mains et ses pieds (Psaume 22.17).

Mes chers amis, ceci nous montre – nous prouve – que la Bible n’est pas un livre ordinaire. Elle est bien le livre de Dieu – la Parole de Dieu. Ne vous privez pas de cette lumière indispensable à votre vie. Ne courez pas le risque de passer à côté de l’essentiel.

Je voudrais vous laisser aujourd’hui sur une image qui, pour moi, est particulièrement poignante, impressionnante, celle où Jésus s’étant rendu à Nazareth entra dans la synagogue le jour du sabbat selon sa coutume. « Il se leva pour faire la lecture, et on lui remit le livre du prophète Ésaïe » (il savait très bien que dans ce rouleau il était question de lui – voir Hébreux 10.7).

« L’ayant déroulé, il trouva l’endroit où il était écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres ; il m’a envoyé pour guérir ceux qui ont le cœur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour publier une année de grâce du Seigneur. »

(C’est sans doute en s’inspirant de textes comme celui-ci que les Juifs se sont mis en tête que le Messie serait un roi guerrier.)

Ensuite il roule le livre, le remit au serviteur et s’assit. Tous ceux qui se trouvaient dans la synagogue avaient les regards fixés sur lui. Alors, il commença à leur dire :

« Aujourd’hui, cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, est accomplie. » (Luc 4.16-21)