L’imposition des mains

L’auteur de l’Épître aux Hébreux exhorte ses lecteurs à croître dans leur connaissance de la vérité, en passant du « lait » de la Parole de Dieu, approprié aux besoins des petits « enfants » dans la foi, à la « nourriture solide » qui convient aux chrétiens spirituellement mûrs. Il dit ensuite :

« C’est pourquoi, laissant les [premiers] éléments de la parole de Christ, tendons à ce qui est parfait [un enseignement d’adulte – FC], sans poser de nouveau le fondement du renoncement aux œuvres mortes, de la foi en Dieu, de la doctrine des baptêmes, de l’imposition des mains, de la résurrection des morts et du jugement éternel. » (Hébreux 6.1,2)

L’auteur énumère ainsi certains enseignements fondamentaux qu’un croyant devrait apprendre assez tôt dans sa vie chrétienne. Cela ne veut pas dire que tout le monde ait compris la vérité biblique concernant chacun de ces sujets. Il y a, par exemple, beaucoup de confusion concernant le baptême : sa forme, son but, qui peut l’administrer, qui peut le recevoir, etc. Certains ont besoin d’étudier les nombreux passages bibliques qui éclaircissent cette étape dans le plan du salut. Un autre sujet cité par l’auteur comme étant une doctrine de base, c’est l’imposition des mains. Puisqu’il s’agit d’enseignements qui sont comparés au lait (facile à digérer même par les nouveau-nés), nous supposons que ce sujet, bien qu’important, n’est pas excessivement compliqué, profond ou mystérieux. Et pourtant, comme le sujet du baptême, celui de l’imposition des mains est souvent mal compris.

Quatre sens

L’imposition des mains semble avoir quatre sens différents dans le Nouveau Testament ; on arrive assez facilement à déterminer la signification du geste dans un passage donné quand on en considère le contexte. À la base, c’est une action qui symbolise la transmission de quelque chose d’une personne à une autre. Quelque chose passe, comme si c’était à travers le contacte des mains posées sur la tête ou l’épaule, de la personne qui impose les mains à la personne à qui on les impose.

Sous la loi de Moïse, une cérémonie accomplie le jour des expiations exigeait que le souverain sacrificateur pose les mains sur le bouc expiatoire pour lui « transmettre » les péchés du peuple :

« Aaron posera ses deux mains sur la tête du bouc vivant, et il confessera sur lui toutes les iniquités des enfants d’Israël et toutes les transgressions par lesquelles ils ont péché. Il les mettra sur la tête du bouc, puis il le chassera dans le désert, à l’aide d’un homme qui aura cette charge. Le bouc emportera sur lui toutes leurs iniquités dans une terre désolée ; il sera chassé dans le désert. » (Lévitique 16.21,22)

Évidemment, les péchés du peuple ne passaient pas littéralement par les mains du prêtre pour entrer dans le bouc. Ce geste servait, néanmoins, à illustrer l’importance d’éloigner des Israélites (par leur repentance et par le pardon de Dieu) le péché, qui était une offense aux yeux du Dieu très saint et qui aurait nécessité qu’ils soient bannis de sa présence.

Dans le Nouveau Testament, comme nous l’avons dit, ce geste est employé dans quatre sortes de situations :

1) En signe de bénédiction :

« On amena [à Jésus] des petits enfants, afin qu’il les touche. Mais les disciples reprirent ceux qui les amenaient. Jésus, voyant cela, fut indigné, et leur dit : Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les en empêchez pas ; car le royaume de Dieu est pour ceux qui leur ressemblent… Puis il les prit dans ses bras, et les bénit, en leur imposant les mains. » (Marc 10.13,14,16)

2) Des guérisons miraculeuses : Plusieurs fois dans le ministère de Jésus, nous le voyons imposer les mains aux malades quand il les guérit. En Luc 13, par exemple, nous lisons qu’un jour Jésus enseignait dans une synagogue,

« Et voici, il y avait là une femme possédée d’un esprit qui la rendait infirme depuis dix-huit ans ; elle était courbée, et ne pouvait aucunement se redresser. Lorsqu’il la vit, Jésus lui adressa la parole, et lui dit : Femme, tu es délivrée de ton infirmité. Et il lui imposa les mains. À l’instant elle se redressa, et glorifia Dieu. » (Luc 13.11-13)

D’autres passages indiquent que Jésus avait l’habitude de toucher ainsi les personnes qu’il guérissait (Marc 6.5; Luc 4.40), bien qu’il y ait également plusieurs situations où il guérissait à distance ou avec une simple parole (Marc 9.25,26; 10.51-53; Luc 7.1-6; 17.11-14). Les apôtres, aussi, ayant le don de guérison, l’exerçaient parfois en imposant les mains aux malades (Marc 16.18; Actes 28.8; voir aussi Actes 9.12,17,18).

3) La communication des dons miraculeux : En Actes 8 nous avons un récit qui nous révèle une autre situation où l’imposition des mains jouait un rôle. La première partie du chapitre raconte la prédication de Philippe, l’évangéliste, dans la ville de Samarie et la conversion de beaucoup de Samaritains, y compris un magicien du nom de Simon. Quand la nouvelle des conversions à Samarie parvint aux oreilles des apôtres, ils envoyèrent Pierre et Jean, qui prièrent (v. 15) et imposèrent les mains (v. 17) aux Samaritains afin qu’ils reçoivent le Saint-Esprit.

« Lorsque Simon vit que le Saint-Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres, il leur offrit de l’argent, en disant : Accordez-moi aussi ce pouvoir, afin que celui à qui j’imposerai les mains reçoive le Saint-Esprit. » (Actes 8.18,19)

En disant que le Saint-Esprit était donné, Luc se réfère apparemment aux dons miraculeux accordés par l’Esprit. Simon a pu voir quelque chose d’impressionnant, comme ce qui est décrit en Actes 19.6 : « Lorsque Paul leur eut imposé les mains, le Saint-Esprit vint sur eux, et ils parlaient en langues et prophétisaient. »

Soulignons que le texte dit que le Saint-Esprit était donné par l’imposition des mains des apôtres ; il est évident que Philippe, qui faisait lui-même des miracles, n’a pas imposé les mains aux autres pour qu’ils reçoivent ces pouvoirs. N’étant pas apôtre, il n’avait pas cette possibilité. Notons aussi que Simon n’a pas offert de l’argent aux apôtres pour qu’ils lui donnent le pouvoir de faire des miracles. Ils accordaient cette capacité déjà à plusieurs, et le faisaient sans demander de l’argent. Simon voulait quelque chose de plus. Il voulait le pouvoir de communiquer les dons aux autres par l’imposition de ses mains. Cette possibilité n’était pas donnée automatiquement par le fait de recevoir soi-même des pouvoirs miraculeux. On pouvait faire des miracles, comme Philippe en faisait, sans être en mesure de communiquer ce pouvoir aux autres.

L’imposition des mains dans ces deuxième et troisième sens n’a plus lieu depuis la mort des apôtres et des personnes qui avaient reçu le don de guérison par l’imposition des mains des apôtres. Dieu continue d’agir puissamment dans ce monde, mais il n’accorde plus à certaines personnes ces dons miraculeux de l’Esprit, car ils ont déjà servi leur but dans son plan (1 Cor. 13.8-10; Héb. 2.3,4; Mc. 16.20; etc.).

4) Le quatrième sens de l’imposition des mains dans le Nouveau Testament se rapporte à l’idée de confier à quelqu’un une charge, de le désigner formellement ou publiquement pour un rôle à jouer ou un devoir à accomplir. En Actes 13.1-3 les chrétiens à Antioche, reconnaissant la charge que Dieu avait donnée à Saul (Paul) et Barnabas, leur imposèrent les mains quand ces derniers devaient partir pour leur premier voyage missionnaire. En 1 Timothée 4.14, Paul dit au jeune prédicateur de ne pas négliger le don qu’il avait reçu avec l’imposition des mains des anciens. (Selon 2 Timothée 1.6, ce fut par l’imposition des mains de l’apôtre Paul que Timothée avait reçu ce don de Dieu. Paul lui avait imposé les mains dans le troisième sens – pour lui communiquer un don miraculeux, mais à la même occasion les anciens lui imposèrent les mains dans le quatrième sens – pour lui confier une responsabilité à accomplir en se servant du don qu’il venait de recevoir.) En 1 Timothée 5.22, Paul lui dit de ne pas lui-même imposer les mains à quelqu’un (lui confier une responsabilité importante) avec précipitation, avant que le caractère de la personne soit prouvé ; sinon, il partagerait la faute si la personne se servait de sa position pour mal faire. En Actes 6 le troisième et le quatrième sens de ce geste étaient tous les deux présents lorsque les apôtres demandèrent à l’Église de Jérusalem de choisir six hommes qu’ils pourraient charger de la tâche d’organiser la distribution quotidienne de nourriture aux veuves. L’Église a choisi des hommes qu’elle présenta aux apôtres, « qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains », évidemment pour leur confier formellement le travail pour lequel ils avaient été désignés (Actes 6.5,6). Mais par la suite, nous voyons que ces hommes, après l’imposition des mains des apôtres, avaient également reçu des pouvoirs miraculeux (Actes 6.8; 8.5-7). Étienne et Philippe étaient, en effet, les premiers chrétiens à part les apôtres à qui le Nouveau Testament attribue des miracles.

Ordination ?

Beaucoup de groupes religieux ont déformé cette idée de confier formellement une charge ou une responsabilité, de déléguer à quelqu’un l’autorité de diriger un aspect de l’œuvre de Dieu, ou de mettre quelqu’un à part pour jouer un rôle particulier. Chez les catholiques, cette pratique de l’Église primitive est la base de ce qu’ils appellent le sacrement de l’Ordre. Sans être passé par la cérémonie où l’on recevrait ce « sacrement », une personne n’a normalement pas le droit de baptiser, de bénir le pain et le vin de la communion, et d’accomplir plusieurs autres services dans l’Église. Selon le Catéchisme catholique, « l’acte sacramentel qui intègre dans l’ordre des évêques, des presbytres (prêtres) et des diacres… va au-delà d’une simple élection, désignation ou institution par la communauté, car elle confère un don du Saint-Esprit permettant d’exercer un « pouvoir sacré » qui ne peut venir que du Christ Lui-même, par son Église. » Selon cette croyance, les évêques « tiennent la place du Christ lui-même » et sont les « successeurs légitimes des apôtres » (Catéchisme, pp. 332,333).

Ce ne sont pas seulement les catholiques qui augmentent beaucoup la signification de l’imposition des mains de cette manière. Les protestants, aussi, parlent généralement de l’ordination et de pasteurs « ordonnés » (mis en contraste avec de simples prédicateurs ou des dirigeants « laïcs »). Chez les mormons il est question de détenir « la prêtrise d’Aaron » et « la prêtrise de Melchisédek », qui auraient été transmises aux fondateurs de leur communauté par l’imposition des mains de Jean-Baptiste et des apôtres Pierre, Jacques, et Jean, revenus sur terre à cet effet. Depuis presque deux cents ans, une succession sans interruption aurait permis de conserver dans l’Église mormone « l’autorité d’agir dans les choses de Dieu ». Un baptême, par exemple, ne serait valable qu’à condition d’être administré par un homme à qui l’on aurait transmis ces prêtrises par l’imposition des mains.

Même parmi ceux qui cherchent à pratiquer le christianisme du premier siècle, on trouve parfois qu’on a été influencé par la conception qu’il faut une sorte de « droit par succession » pour que certains actes soient légitimes. Un frère a écrit : « Tout groupe de chrétiens réuni par la prédication d’un frère préparé, ordonné et envoyé par une ancienne Église du Seigneur à un lieu où il n’y avait pas eu d’Église du Christ au préalable, constitue une assemblée locale biblique… Une telle Église… doit se laisser diriger par… la doctrine de Christ, au moyen des enseignements des ministres préparés pour le ministère. » En d’autres termes, des gens qui découvrent, à travers leurs recherches sincères dans la Parole du Seigneur, ce qu’il faut faire pour devenir chrétien et adorer Dieu conformément à sa Parole, ne pourraient pas le faire sans l’intervention d’un ministre « ordonné ». Les conséquences logiques de cette doctrine sont énormes. En effet, une fois que les hommes abandonnaient la foi biblique et perdaient ainsi leur relation avec Dieu (1 Timothée 4.1-3; 2 Pierre 2.1,2; 2 Jean 9), les générations suivantes n’auraient plus la possibilité de recevoir le baptême ou la communion ou de servir Dieu valablement. La Bible ne pourrait plus être considérée comme une semence vivante (Luc 8.11; 1 Pierre 1.23-25; etc.), capable de porter du fruit dans les cœurs honnêtes et de produire une nouvelle naissance pour le salut ; elle ne serait qu’une lettre morte jusqu’à ce qu’un homme ayant une autorité reconnue se présente pour permettre aux croyants de mettre en pratique ce que dit la Bible.

Une tradition des hommes

En Marc 7.1-13, Jésus accuse les Juifs d’annuler les commandements de Dieu au profit de leur tradition. La même sorte de problème se présente aujourd’hui, et la question de l’ordination en fournit un exemple. Nous savons que Jésus et ses apôtres ont enseigné la nécessité du baptême. Jésus a dit avant de retourner au ciel : « Allez, faites de toutes les nations mes disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28.19). Ou encore : « Allez par tout le monde, et prêchez la bonne nouvelle à toute la création. Celui qui croira et qui sera baptisé sera sauvé » (Marc 16.15,16). Mais aucun passage biblique n’enseigne que seuls certains chrétiens ont le droit de baptiser ceux qui ont cru. L’accent est mis sur la foi et la repentance de la personne qui reçoit le baptême. Rien n’est dit au sujet des qualifications de la personne qui plonge le nouveau disciple dans l’eau du baptême. Nulle part dans la Bible on ne trouve l’expression « pasteur ordonné », et les détails que nous avons vus concernant l’imposition des mains sont bien insuffisants pour justifier la création d’un clergé ou l’idée de l’ordination telle qu’elle est enseignée dans les dénominations de nos jours. Pourtant, j’ai connu des communautés où des personnes dans des villages jouaient un rôle actif dans l’Église depuis dix ans, mais elles n’avaient pas reçu le baptême tout simplement parce que le « pasteur titulaire » n’était pas venu baptiser les nouvelles personnes. La Parole de Dieu dit clairement que les hommes doivent se faire baptiser, mais afin de respecter un commandement d’hommes, une tradition d’Église, on n’osait pas baptiser ces gens. Les hommes annulent ainsi le commandement de Dieu.

Le problème de Diotrèphe

Parfois le problème est lié à la tradition, mais il faut reconnaître qu’il y a aussi des cas où des hommes se réservent le droit de faire certaines choses dans l’Église parce qu’ils cherchent à créer une sorte d’empire personnel. Ils font penser à un homme mentionné dans la Troisième Épître de Jean :

« J’ai écrit quelques mots à l’Église ; mais Diotrèphe, qui aime à être le premier parmi eux, ne nous reçoit pas… Il ne reçoit pas les frères, et ceux qui voudraient le faire, il les en empêche et les chasse de l’Église. » (3 Jean 9,10)

Souvent, un homme cherchera non seulement à dominer sur une assemblée locale, mais sur toutes les assemblées dans son district ou son pays. Certains le font en s’attribuant une autorité en matière d’argent. Soit on oblige chaque assemblée locale à envoyer ses collectes à un siège central qui en fait la distribution, soit on cherche à jouer un rôle d’entonnoir pour les fonds qui viendraient d’ailleurs pour aider l’œuvre de Dieu dans ce pays. D’autres essaient de développer un monopole sur l’autorité d’agir dans l’Église ; ils enseignent ainsi que « l’ordination » est nécessaire. Parfois un homme prétend qu’il est le seul à détenir le droit d’« ordonner » d’autres frères au ministère pour la simple raison qu’il fut le premier membre de l’Église dans le pays ou la région. D’autres se basent sur des visions divines qu’ils prétendent avoir vues. Quoi qu’il en soit, le désir de contrôler l’Église de cette manière n’est pas sain, et la pratique n’est pas basée sur un enseignement biblique.

La sauvegarde de la vérité

Pour justifier les pouvoirs que l’on donne à certains hommes grâce à ce système d’ordination, on fait appel parfois au besoin d’éviter le désordre et de maintenir la pureté doctrinale. Malheureusement, on rencontre de nombreux cas dans l’histoire du christianisme où c’étaient les dirigeants, ceux qui étaient « ordonnés », qui introduisirent les erreurs et les éloignements du modèle biblique. Cela s’accorde avec la prophétie de Paul en Actes 20.17,18,29,30. Pour sauvegarder la vérité, il faut compter sur l’étude et l’enseignement assidus de la Parole divine et non sur les hommes faillibles et leurs décrets. Il faut toujours cultiver l’attitude des Béréens, qui « examinaient chaque jour les Écritures pour voir si ce qu’on leur disait était exact » (Actes 17.11).

Conclusion

L’imposition des mains, a-t-elle une place dans l’Église aujourd’hui ? Comme nous venons de le voir, des hommes ont abusé de l’idée biblique de l’imposition des mains, surtout en essayant de se réserver des droits qui devraient appartenir à tout homme fidèle dans l’Église : le droit d’évangéliser, de baptiser, de servir la communion, etc. Est-ce pour cela que la pratique d’imposer les mains doit être bannie ? Pas si l’on reconnaît que de nos jours on n’imposerait pas les mains comme pour exercer un don miraculeux ou pour communiquer de tels dons aux autres. Si l’on retient ce geste comme un moyen solennel de faire ressentir l’importance de prendre au sérieux une responsabilité confiée ou de désigner publiquement quelqu’un pour un rôle particulier, on peut certainement s’en servir. Prenons soin seulement de ne pas aller au-delà de ce qui est écrit (1 Corinthiens 4.6).