Dois-je être catholique ou chrétien ?

Cet article est un extrait du livre Un ancien prêtre vous parle.


La réponse devrait être simple, à savoir : « Je dois être catholique et chrétien. » En effet, le terme « catholique » tire son origine du mot grec catholicos, qui signifie « universel ». La vraie Église doit, en effet, être universelle. Jésus-Christ n’a-t-il pas dit aux apôtres : « Allez donc, de toutes les nations faites des disciples, les baptisant au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Matthieu 28.19) ?

Cependant l’Église romaine, dans sa prétention d’être l’unique Église du Christ, a accaparé ce terme et se l’est réservé, à tel point qu’actuellement ce terme « catholique » désigne une seule d’entre les Églises, à savoir l’Église qui a son centre à Rome, par opposition aux autres. Aujourd’hui on peut donc se poser la question : « Dois-je être catholique ou chrétien ? » Par chrétien, j’entends un chrétien comme l’étaient ceux qui, instruits par les apôtres mêmes, constituaient l’Église primitive, apostolique.

À cette question, comprise comme nous venons de décrire, il y a une seule réponse : « Je dois être simplement chrétien, non catholique romain. » Certes, catholiques et chrétiens adorent le même Dieu qui s’est révélé en Jésus-Christ. Ils partagent également la même foi en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, celui qui est le Chemin, la Vérité et la Vie, en dehors duquel il n’y a point de salut, dont le seul nom a été donné aux hommes pour recevoir le salut (Actes 4.12). Sur ce point, catholiques et chrétiens sont unanimes… en principe.

En fait, il en va autrement.

Nous employons de part et d’autre la même Bible, bien que les éditions catholiques contiennent quelques écrits supplémentaires dans l’Ancien Testament. Mais alors que l’Église du Christ reconnaît en matière de foi l’Écriture comme la seule source, le seul critère de la révélation divine, l’Église romaine accepte en dehors de la Bible toute une tradition orale qui se serait transmise dans l’Église et par l’Église. Les catholiques juxtaposent et en réalité superposent à la Bible la tradition, c’est-à-dire l’autorité de l’Église, laquelle, étant seule dépositaire du Saint-Esprit, est appelée à compléter sans cesse l’enseignement de l’Écriture sainte. D’une part, seule l’Église est compétente pour interpréter la Bible ; d’autre part, se fondant sur la parole du Christ aux apôtres qu’elle applique arbitrairement à elle-même : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire… », l’Église romaine s’estime appelée à compléter l’enseignement de Jésus. Ainsi elle tire de ce trésor, avec les choses anciennes, des choses nouvelles, mais qui ne seraient nouvelles qu’en apparence, parce qu’elles étaient déjà contenues en germe dans l’Évangile.

Cette notion est séduisante, mais dangereuse, parce qu’elle ouvre la porte à l’arbitraire. Comment le Saint-Esprit aurait-il pu diriger l’Église au cours des siècles, et lui faire accepter des doctrines contradictoires à l’enseignement du Christ et des apôtres, ainsi qu’on peut le constater dans l’évolution et les déviations du catholicisme romain ? On en arrive ainsi à un autre évangile.

Les déviations du catholicisme se rapportent aux quatre sujets de la foi, de l’organisation, du culte et du baptême.

I. La foi

Dans le deuxième siècle, les chrétiens eurent la nécessité de combattre la gnose, un système religieux qui voulait transformer le christianisme en un grand courant philosophique. La foi remporta la victoire. Mais le gnosticisme laissa son influence dans le catholicisme même. On oublia que la foi des premiers chrétiens était une consécration personnelle à Jésus, non un catéchisme qu’il fallait répéter par cœur. L’œuvre des théologiens alla s’écartant toujours plus de la Bible par la philosophie de Platon et d’Aristote, et transforma toujours plus la foi vivante de l’Évangile en une série de notions intellectuelles.

Bien plus – ce qui est encore pire – les théologiens, à la foi primitive qui s’était centrée en Jésus-Christ, ajoutèrent beaucoup d’autres dogmes qui n’ont plus rien à voir avec la foi des apôtres. Je rappelle trois faits qui se réfèrent au sacerdoce, aux saints et aux morts.

A) Le sacerdoce.

Avec la création du magistère ecclésiastique, on parvint à établir une distinction entre les laïcs et les prêtres, ou chrétiens possédant le sacerdoce. Les documents les plus anciens que nous possédons sur la constitution de l’Église primitive n’offrent point de différence entre les fonctionnaires ecclésiastiques et les membres des Églises. Les « anciens » ou « évêques » étaient des surveillants de l’Église locale, élus par la communauté ou établis par les évangélistes (Actes 14.23; Tite 1.5s).

Les premiers chrétiens se considéraient tous comme membres d’un sacerdoce universel dont Jésus-Christ était le Souverain Grand Prêtre (Hébreux 8.11; 1 Pierre 2.9; Apocalypse 1.6; etc.). Au deuxième siècle, Irénée écrivit : « Tous les justes ont l’ordination sacerdotale » (« Omnes justi sacerdotalem habent ordinem », Advers. Hæres., IV, 8, 3). Tertullien, qui n’était pas un ancien, écrivit : « Ne sommes-nous pas aussi, les laïc, des prêtres ? La différence entre les personnes ordonnées et le peuple a été constituée seulement par l’autorité de l’Église » (« Nonne et laici sacerdotes sumus ?… Differentiam inter ordinem et plebem constituit ecclesiæ auctoritas », De elhort. castizatis, 7).

Cependant au deuxième et au troisième siècle, nous voyons s’opérer une profonde transformation dans le christianisme. On a tendance à oublier le sacerdoce universel de tous les croyants, et un abîme se creuse entre les laïc et le clergé, qui de plus en plus assume le monopole du culte public. Au quatrième siècle, une place spéciale est réservée aux ecclésiastiques dans le lieu du culte. Ils commencent à porter un vêtement spécial, même en dehors de l’exercice de leurs fonctions. La tonsure s’introduit ; le célibat, sans être imposé, leur est recommandé. D’autre part, le clergé se mondanise, malgré les actes des conciles, qui donnent des règles de plus en plus précises à ce sujet.

L’idée d’un sacerdoce proprement dit – à savoir d’un corps intermédiaire entre le Christ et les communautés chrétiennes, d’un clergé hiérarchiquement constitué à l’instar du sacerdoce lévitique, institué par Dieu et revêtu de toute la puissance ecclésiastique – fit un chemin rapide. Bien qu’encore dans le 5e siècle Augustin disait que : « Comme nous tous nous nous disons chrétiens à cause du chrisme mystique, ainsi nous tous nous nous disons prêtres, étant tous membres de l’unique prêtre Jésus-Christ » (« sicut omnes christianosm dicimus propter mysticum chrisma, sic omnes sacerdotes, quoniam membra sunt unius sacerdotis », De civitate Dei, XX, 10).

Cependant ces voix s’affaiblirent peu à peu et se turent dès que le clergé réussit à constituer le sacerdoce juif avec tous ses privilèges, même avec son grand-prêtre. Ce ne fut plus que dans quelques sectes hérétiques que l’on continua à entendre comme un écho du siècle apostolique, depuis le 6e siècle jusqu’à Luther, qui revendiqua avec énergie la liberté chrétienne en proclamant de nouveau le sacerdoce de tous les chrétiens.

Chez les catholiques, aujourd’hui,

« Le prêtre est un homme qui vit hors de la société laïc ; il est le chef ayant autorité sur le troupeau, comme le gradé sur ses soldats. Il est muni du pouvoir d’absoudre les péchés ou de refuser ladite absolution. Il en déduit le droit de questionner les pénitents sur tous les actes de leur vie, de les juger, de leur imposer ceci et cela. » (Semeur Vaudois du 1-7-1956)

Il a en outre le pouvoir de célébrer la messe, à savoir le pouvoir de continuer en le rendant présent sur l’autel, le sacrifice de Jésus sur la Croix, de transformer la substance du pain et du vin dans le vrai corps et le vrai sang du Christ. Il est l’intermédiaire obligatoire entre Dieu et les fidèles, le représentant de Dieu au sein de sa paroisse. De par son ordination le prêtre est prêtre pour l’éternité : « Même un prêtre pécheur garde les pouvoirs que lui donne son caractère sacerdotal » (Catéch. du Diocèse de Lausanne, Genève, p. 213).

Ici on voit l’énorme différence et la plus stridente contradiction entre l’enseignement catholique et celle du christianisme apostolique.

À cette contradiction – la première introduite dans le christianisme – on ajouta dans la suite l’obligation du célibat. Elle s’introduisit au quatrième siècle, quand on commença à donner des fonctions sacerdotales de préférence à des célibataires. Le sixième Concile œcuménique (Constantinople III, 680/81) ne céda qu’à moitié à la pression de l’opinion publique, en confirmant le droit des diacres et des prêtres de continuer à vivre légalement avec leurs femmes légitimes, en ordonnant aux seuls évêques de s’abstenir de tout commerce avec les leurs (Mansi, Acta Conciliorum, t. XI, p. 947). L’Église d’Orient est restée fidèle à cette règle ; mais l’Église latine est allée encore plus loin. Elle persista à rendre des ordonnances de plus en plus rigoureuses sur le célibat des prêtres, qu’elle s’étendit même, dans le 12e siècle, jusqu’aux ordres inférieurs (Conc. Later., I, c. 40).

Ils ont oublié la parole de Paul qui exige pour l’évêque – ancien – la condition d’être marié.

« Aussi faut-il que l’évêque soit homme d’une seule femme… qu’il sache bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission… Car celui qui ne sait pas gouverner sa propre maison, comment pourrait-il prendre soin de l’Église de Dieu ? » (1 Timothée 3.2,4,5)

Paul n’a pas voulu se marier ; cependant il a laissé pleine liberté aux autres : « N’avons-nous pas le droit de faire suivre une femme croyante, comme les autres apôtres et les frères du Seigneur, et Céphas ? » (1 Corinthiens 9.5).

Encore aujourd’hui, nous qui voulons rester fidèles à la parole du Seigneur, nous choisissons nos évêques parmi les mariés. Cependant nous laissons la liberté individuelle aux évangélistes ou prédicateurs de choisir ce qu’ils pensent convenir pour eux selon le don reçu de Dieu (1 Corinthiens 7.7). Si le curé est, par définition, célibataire, il existe des prédicateurs et des chrétiens qui le sont par vocation, par choix personnel, par une volonté qui peut toujours être changée. Cette différence est essentielle.

B) La prière aux saints.

La Bible exalte Jésus-Christ et nous enseigne à prier « au nom de Jésus », qui est l’unique nom par lequel on peut être sauvé (Actes 4.12). Mais dans le 3e siècle commença à se répandre l’opinion que les « saints » – à savoir les chrétiens qui s’étaient distingués de leur vivant par une vie particulièrement exemplaire et les martyrs – s’intéressent, de leur demeure céleste, au sort des hommes et prient pour eux. Peu à peu on en vint à leur rendre un culte et à les invoquer. Bien que quelques pères de l’Église aient tenté de réagir contre ces croyances, leur voix ne fut pas écoutée. Inutilement Tertullien a écrit dans son livre « De Pudicitia » : « Qu’il suffise au martyr d’expier ses propres péchés ! Le Christ seul peut par sa mort expier le péché d’autrui » (De Pudicitia, XXII).

L’Église ne put résister à l’entraînement populaire et glissa rapidement sur cette pente. On se mit à invoquer les saints comme de puissants protecteurs, comme des intercesseurs et des médiateurs dont les prières peuvent être d’une grande efficacité auprès de Dieu. Ambroise leur attribua le pouvoir non seulement de procurer le pardon des péchés, mais aussi de guérir les infirmités du corps. « C’est faire une injure aux martyrs quand on prie pour eux, c’est nous qui devons nous recommander à leurs prières », disait Augustin (« Injuria est pro martyre orare cujus nos debemus orationibus commendari », Sermo, CLIX c. 1 cfr. Epiphane, Hœres, LXXV c. 7).

La théologie catholique moderne a éprouvé un certain embarras pour justifier l’invocation aux saints. Elle s’est appuyée sur certains passages de l’Apocalypse (5.8; 8.3,4; 20.4) qui sont cependant une base très fragile et contestable. Il est juste de dire que beaucoup de théologiens catholiques se sont prononcés contre le culte des saints ou du moins l’ont déclaré facultatif. Pratiquement, toutefois, l’Église a suivi le courant populaire et lui a donné satisfaction en multipliant presque à l’infini le nombre des saints proposés à l’invocation des fidèles.

Bien plus, dans le catholicisme romain, la Vierge Marie a presque obtenu un rang d’égalité avec Jésus. En l’appelant « Reine du ciel » et « Co-Rédemptrice » du genre humain, le magistère ecclésiastique lui a conféré des attributs que les évangiles et les apôtres réservent strictement à Jésus-Christ seul. Voilà un abîme qui sépare le chrétien du catholique, un abîme qui s’explique par le fait que Marie incarne en quelque sorte tout le catholicisme romain. « Là où Marie n’est pas vénérée, l’Église du Christ n’existe pas », écrit un théologien catholique romain (Diekamp, Dogmatique Catholique, II, p. 395). Il y a là une contradiction manifeste avec la parole des apôtres, notamment de Paul qui écrit : « Il y a un seul Dieu, et un seul Médiateur entre Dieu et les hommes, Jésus-Christ » (1 Timothée 2.5).

Observations. – Contre la vénération des saints, il faut rappeler les considérations suivantes :

a) Dans le Nouveau Testament, tous les chrétiens sont appelés « saints ». Paul dans ses lettres parle des saints de Jérusalem (1 Corinthiens 16.1-3), d’Éphèse (Éphésiens 1.1), à savoir les chrétiens existant à Jérusalem ou à Éphèse. Tous les chrétiens en effet par leur vocation se sont écartés du monde pour former le nouveau peuple de Dieu (cf. Colossiens 2.20). C’est la signification biblique du nom « saint » (hagios).

Il n’est pas possible, dans la situation actuelle de l’Église, de juger infailliblement si un chrétien est plus saint qu’un autre. Ce sera seulement au jugement dernier qu’on pourra connaître ce qu’il y a dans le cœur de chacun.

« Ne portez donc pas de jugement prématuré. Laissez venir le Seigneur ; c’est lui qui éclairera les secrets des ténèbres et rendra manifestes les desseins des cœurs. Et alors chacun recevra de Dieu la louange qui lui revient. » (1 Corinthiens 4.5)

Quel est le passage de la Bible qui donne au Pape le droit de juger infailliblement les hommes et d’établir s’ils sont dans la gloire ou dans la ruine éternelle ?

b) Historiquement on sait que les premiers chrétiens comptaient des martyrs parmi eux, mais ils ne les ont pas invoqués. Après le martyre de saint (= chrétien) Étienne, « des hommes pieux l’ensevelirent et firent sur lui de grandes lamentations » (Actes 8.2). Jamais ils ne l’ont prié. Jamais ils n’ont prié Marie. Jamais ils n’ont adressé des prières à Jacques qu’on avait fait périr par le glaive sur l’ordre d’Hérode (Actes 12.1,2). Je préfère donc rester en harmonie avec les premiers chrétiens et ne pas adresser des prières aux saints. Au deuxième siècle, Irénée dicta cette consigne aux chrétiens orthodoxes :

« Comme il a reçu gratuitement de Dieu, il donne gratuitement ; il ne fait rien par des invocations aux anges, ni par des incantations, ni par toute autre vaine curiosité ; mais, en tout honneur et pureté, sans rien de secret, il adresse ses prières au Dieu qui a tout créé et il invoque le nom du Seigneur Jésus-Christ. » (Adversus Haereses, II, 32 n. 4-5 PG 7.830)

c) Adresser ses prières à Dieu au nom de Jésus était une pratique conforme à la volonté de Jésus-Christ, qui nous a enseigné la manière dont il faut prier.

« Voilà donc, priez ainsi : Notre Père qui est dans les cieux. » (Matthieu 6.9)

« Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. » (Jean 14.14)

« En vérité, en vérité, je vous le dis, ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous le donnera en mon nom. Jusqu’à présent vous n’avez rien demandé en mon nom. Demandez et vous recevrez, et votre joie sera parfaite. » (Jean 16.23s)

C’est en son nom seulement qu’on peut avoir le salut (Actes 4.12). Quand Pierre était en prison, « la prière de l’Église s’élevait vers Dieu sans relâche » (Actes 12.5).

Voilà donc comment il faut prier si nous voulons rester fidèles à l’enseignement de Jésus.

d) Jamais la Bible ne nous présente les saints, Marie y comprise, comme des médiateurs entre Dieu et les hommes, ou entre Jésus-Christ et les chrétiens. La Bible, en nous présentant les anciens témoins de la foi, ne nous dit pas qu’ils sont des intercesseurs, mais les présente seulement comme des exemples :

« Voilà donc pourquoi nous aussi, enveloppés que nous sommes d’une si grande nuée de témoins, nous devons rejeter tout fardeau et le péché… et courir avec constance l’épreuve qui nous est proposée, fixant nos yeux sur le chef de notre foi, qui la mène à la perfection, Jésus, qui endura la croix. » (Hébreux 12.1,2)

Les martyrs qui, dans l’Apocalypse, gisent sous l’autel ne prient pas pour les autres, mais ils demandent seulement que leur sang soit vengé.

« Ils criaient d’une voix forte : Jusqu’à quand, ô Maître saint et véritable, ne ferez-vous pas justice et ne redemanderez-vous pas notre sang à ceux qui habitent sur la terre ? » (Apocalypse 6.9,10)

Cependant l’heure du triomphe, aussi pour les martyrs, aura lieu à la fin du monde.

Paul, qui enseigne l’unité de tous les chrétiens dans un corps unique dont Jésus est la tête, n’applique pas cette doctrine aux saints déjà morts. Jamais il ne les présente comme ayant une possibilité d’aider les vivants. C’est seulement de Jésus que nous provient le salut et la grâce.

« Avançons donc avec assurance vers le trône de la grâce, afin d’obtenir miséricorde et de trouver grâce, pour une aide opportune. » (Hébreux 4.16)

Cependant sur ce trône de grâce est Jésus et non Marie. Quand l’Église catholique aura défini que Marie est la Co-Rédemptrice du genre humain, alors son apostasie sera complète. Car alors elle sera en totale opposition avec la parole inspirée de Paul qui dit :

« Car Dieu est unique, unique aussi le Médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est livré en rançon pour tous. » (1 Timothée 2.5,6)

C) Le Purgatoire.

D’après la doctrine de l’Église catholique, le purgatoire serait un lieu où se rendent après leur mort, pour y être purifiées par le feu, les âmes des fidèles qui ne sont pas encore dignes d’entrer dans le séjour des bienheureux. Les péchés non encore complètement expiés sur la terre par la pénitence doivent l’être par les tourments du purgatoire pendant un temps plus ou moins long, jusqu’à ce que les pécheurs puissent entrer dans le ciel où rien d’impur ne peut pénétrer.

L’idée d’un feu purificateur vient de 1 Corinthiens 3.12ss, où on lit :

« L’œuvre de chacun deviendra manifeste, le jour (à savoir le jour du Jugement) la fera connaître, car il doit se révéler dans le feu, et c’est ce feu qui éprouvera la qualité de l’œuvre de chacun. Si son œuvre sera consumée, il en subira la perte, quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu. »

L’annotation apposée en marge de la Bible de Jérusalem dit : « Bien que Paul ne pense pas directement au Purgatoire, il est permis de trouver ici, avec plusieurs Docteurs, un des fondements de cette doctrine » (p. 1513). C’est-à-dire : « Ici Paul ne parle pas du purgatoire, mais nous pouvons penser qu’il y parle aussi du purgatoire ! » Les pères de l’Église jusqu’au quatrième siècle ont vu beaucoup mieux dans ce feu, non le feu du purgatoire, mais le feu qui aurait accompagné le jour du retour du Christ, le feu qui aurait détruit ce monde pour donner lieu à une terre nouvelle et à des cieux nouveaux.

Ce fut Augustin qui, dans le cinquième siècle, hasarda le premier comme opinion l’hypothèse que les âmes des morts pouvaient se purifier dans le purgatoire avant le jugement dernier, comme c’était admis chez les païens. Il commença à penser que la prière pour les morts pouvait leur obtenir la rémission des fautes ou du moins une indulgence miséricordieuse (Sermo CLXXII, c.2). C’était le principe des sacrifices funéraires du paganisme par lesquels on pensait améliorer le sort des ombres dans le repos.

Césaire d’Arles admit cette supposition comme une certitude et transmit le dogme du purgatoire presque formulé à Grégoire le Grand qui, au 6e siècle, le répandit dans l’Occident. Celle-ci, développée et précisée dans la suite par Thomas d’Aquin, fut sanctionnée comme dogme par le Concile de Florence (1439) et plus tard par le Concile de Trente (1545-63) (Denzinger Bannwart, Enchiridion Srmbolorum, n. 693 et 777). L’Église grecque et l’Église protestante ne l’ont jamais admise. Ce dogme ne peut être accepté par tous ceux qui désirent rester fidèles à la parole de Dieu.

a) La prière pour les morts. Dès le deuxième siècle, il existait la coutume de prier pour les morts aussi bien que pour les vivants, lors de la célébration du repas du Seigneur. En agissant ainsi, les fidèles voulaient simplement témoigner qu’ils ne cessaient pas d’être en communion spirituelle avec les membres de l’Église qui avaient quitté la terre. Ils priaient aussi pour les martyrs, pour Marie, les apôtres. On dit aujourd’hui que ces derniers sont déjà dans le ciel. Avec Augustin on pensait que la prière pour les morts pouvait leur obtenir la rémission des fautes ou du moins une indulgence miséricordieuse (Sermo CLXXII c. 2). Donc, les peines du purgatoire pouvaient être abrégées par les vivants au moyen de prières, de messes célébrées en faveur des morts, et plus tard aussi par les indulgences qui leur étaient appliquées.

Ce furent Alexandre d’Hales et Albert le Grand qui imaginèrent la fameuse doctrine du trésor des œuvres surérogatoires, trésor inépuisable formé par les mérites infinis du Christ et des saints, où l’Église peut puiser à pleines mains pour laver les péchés non seulement des vivants, mais aussi des morts (Alexandre d’Hales, Summa P. IV, q. 23 a. 2 memb. 2-6; Albert M., In Sentent, p. IV, ist. 20, art. 16; cfr. Thomas Aquin., Summa, Suppl. p. III, p. 25; q. 71 a. 10).

Cette doctrine, si funeste aux mœurs, favorisait trop la cupidité de la cour de Rome pour ne pas être protégée ; aussi se répandit-elle avec rapidité, au moins en Occident, car l’Église orientale n’a pas cessé jusqu’à ces jours de la condamner hautement. Dès 1349, Clément VI l’érigea en article de foi. Cependant ce fut seulement en 1477 que Sixte IV parvint à apaiser une controverse assez vive sur l’utilité des indulgences pour les morts. Dès lors, l’utilité des indulgences pour les morts fut admise dans l’Église romaine parce qu’elles pouvaient délivrer les âmes du purgatoire. Si quelques voix isolées osèrent encore s’élever de loin contre une doctrine aussi nouvelle, elles furent promptement étouffées ; et l’on doit regarder comme un acte de courageuse indépendance la condamnation lancée par la Sorbonne contre de serviles adulateurs du siège de Rome qui affirmaient que le pape, s’il le voulait, pourrait vider complètement le purgatoire (D’Argentré, Coll. judic. de novis erroribus, t. I, p. II, p. 305).

b) La Bible est contraire au purgatoire. Les catholiques, outre le passage déjà cité en 1 Corinthiens 3.15, citent 2 Macchabées 12.28ss, où on lit que Juda Macchabée envoya à Jérusalem 12 000 drachmes d’argent pour offrir des sacrifices en expiation des péchés d’un certain nombre de Juifs tués dans un combat et dont les vêtements renfermaient des objets consacrés aux idoles. Mais l’affirmation du livre des Macchabée n’est pas une affirmation biblique étant un livre exclu du « canon » (liste reconnue) chez les Juifs de Palestine. Bien plus, le passage n’est pas bien transmis, parce que c’est seulement dans la version latine où nous avons les mots les plus favorables à la prière et au sacrifice pour les morts. Encore mieux, le sacrifice n’est pas offert à Dieu pour délivrer les morts d’une punition présente, mais seulement pour invoquer sur eux la miséricorde de Dieu au jour du Jugement.

Les livres vraiment bibliques ne renferment pas la moindre allusion à un lieu intermédiaire entre le séjour des bienheureux et celui des réprouvés. Il n’est pas possible de se frayer un passage de l’un de ces séjours à l’autre (Luc 16.26).

Encore mieux, le pardon de Dieu, qui est complet, ne peut pas s’accorder avec la purification du purgatoire : « Qui se fera l’accusateur de ceux que Dieu a élus ? C’est Dieu qui justifie. Qui donc condamnera ? » (Romains 8.33,34). Les péchés de ceux qui ont été pardonnés ne seront jamais rappelés (Ésaïe 44.22; Ézéchiel 18.22; Michée 7.19). Nous ne pouvons être purifiés que par le sang de Jésus :

« Le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché… Si nous confessons nos péchés, il est assez fidèle et juste pour remettre nos péchés et nous purifier de toute injustice. » (1 Jean 1.7,9)

C’est pour cela que les morts dans le Seigneur sont proclamés bienheureux : « Heureux dès maintenant les morts qui meurent dans le Seigneur, écrit Jean dans l’Apocalypse. Oui, dit l’Esprit, qu’ils se reposent de leurs travaux, car leurs œuvres les suivent » (Apocalypse 14.13). Comment peut-on proclamer heureuse une âme qui souffre dans les peines du purgatoire ? Comment peut-on dire que le sang du Christ me purifie de toute iniquité, si après ma mort je dois expier mes péchés dans le feu du purgatoire ? Comment puis-je pardonner et ne pas me rappeler ceux qui m’ont offensé, quand Dieu lui-même se rappelle des péchés déjà pardonnés et m’oblige à payer jusqu’à la dernière pièce d’argent ce dont j’ai été coupable ? Je ne le comprends pas.

Dans le cas des indulgences, on ne peut pas même appliquer la parole dont les catholiques abusent facilement :

« Tu es Pierre… quoi que tu lies sur la terre, ce sera tenu pour lié dans les cieux, et ce que tu délies sur la terre, ce sera tenu pour délié dans les cieux. » (Matthieu 16.19)

En effet, dans le cas des indulgences, le pape ne lie ni ne délie rien sur la terre, mais il lie ou délie des âmes qui ne sont plus sur la terre, mais déjà dans le purgatoire, donc bien au delà de la prétendue juridiction papale. Aussi quelques théologiens catholiques, comme Möhler, reconnaissent-ils franchement que le dogme du purgatoire n’a rien de biblique et n’y voient qu’une image propre à exprimer la nécessité d’une purification spirituelle avant d’entrer dans la communauté des saints (Möhler, Symbolik, p. 215 et 453 Gerhard, Confessio Catholica, Frankfurt 1679 II, p. II a. 9).

La Parole de Dieu nous oblige donc à quitter la foi catholique pour retourner à la vérité des premiers chrétiens.

II. L’organisation catholique

Une autre déviation catholique du christianisme primitif se trouve dans l’organisation de l’Église. Pendant la période apostolique, les diverses Églises locales étaient indépendantes les unes vis-à-vis des autres. Leur unité était basée sur l’intérêt mutuel et non sur une organisation administrative (Romains 1.8; Actes 20.28). Elles se soutenaient mutuellement par des dons financiers parfaitement libres et spontanés (1 Corinthiens 16.1). Chaque communauté était dirigée par des « anciens » ou « évêques » (ce sont les mêmes personnes dont il est question en Actes 20.17,28), aidés dans les problèmes matériels par les diacres (Actes 6.1-6).

Aux deuxième et troisième siècles après la mort des apôtres, trois rangs se constituèrent : les diacres, les anciens ou prêtres, les évêques. L’évêque devint le pasteur de toute une ville et même de toute une région appelée diocèse. Les différentes paroisses devinrent des annexes de l’église principale et, de plus en plus, l’évêque nommait les diacres et les prêtres de son diocèse.

Enfin, à l’unité spirituelle on eut tendance à substituer l’unité administrative. Les évêques réunis en synodes prenaient des décisions valables pour toute une province. L’évêque de Rome chercha à imposer ses volontés.

Du 4e au 5e siècle, les évêques des grandes villes (ou métropoles), appelés métropolitains, s’arrogèrent le droit de confirmer dans leur fonction les évêques de leur région. Les métropolitains les plus en vue entrèrent aussi en contestation les uns avec les autres pour porter le titre de patriarche. Pour finir, ce dernier fut réservé par le concile de Chalcédoine (451) aux évêques de Rome, de Constantinople, d’Alexandrie, d’Antioche et de Jérusalem. Les principaux patriarches avaient des prétentions à la domination universelle. Les rivalités entre les patriarches d’Orient ont favorisé l’ascension des évêques de Rome, qui n’avaient pas de concurrent en Occident. L’orthodoxie et l’énergie qui ont caractérisé la plupart de ces évêques ont contribué à accroître leur autorité. On les consultait pour des questions de foi et de mœurs. On les prenait pour arbitres dans les conflits. On leur demandait de confirmer les décisions de certains conciles. Les évêques de Rome ne manquaient pas de faire prévaloir l’origine apostolique de leur Église et des promesses faites à Pierre. Dès cette époque ils monopolisèrent le titre de pape, qui autrefois était donné à tout dignitaire ecclésiastique important.

Vers la fin du neuvième siècle on rédigea une série de fausses décrétales sous le nom des évêques de Rome qui avaient vécu aux 2e, 3e et 4e siècles. Ces décrétales affirmaient l’indépendance de l’Église en face du pouvoir civil et l’autorité absolue du pape sur tous les ecclésiastiques. Elles ont grandement favorisé les prétentions papales jusqu’au moment où l’on reconnut leur fausseté. Le pape Nicolas I (858-867) a fait prévaloir ces principes. Il a fait sentir son autorité aux plus grands dignitaires de l’Église ; il est intervenu avec succès dans la vie privée du roi de Lorraine. Dans le 11e siècle, avec Innocent III (1198-1216), la papauté toucha à son apogée. Dès ce moment-là, l’Église romaine peut être comparée à une armée. Considérons une armée : elle est formée d’un état-major d’officiers et d’une troupe. D’une part, les chefs ; de l’autre, les soldats, la troupe. L’état-major de l’Église romaine, c’est le Vatican avec son général en chef, le pape. Partout dans le monde, le pape a ses officiers supérieurs (évêques) et ses officiers subalternes (les curés) chargés de diriger et de commander la troupe. Entre ces deux se dresse une barrière infranchissable, symbolisée dans les églises catholiques par la grille qui sépare le chœur de la nef ; le chœur est réservé aux prêtres ! la nef aux fidèles.

Le progrès lent de l’autorité papale à travers les siècles a trouvé sa conclusion logique en 1870 au concile du Vatican, quand le pape Pie IX fit proclamer le dogme de l’infaillibilité papale, selon laquelle le pape, lorsqu’il définit ex cathedra, c’est-à-dire comme pasteur des pasteurs, une question de foi ou de mœurs, ne peut se tromper. Les discussions dans le concile furent très chaudes (qu’on se rappelle les oppositions de l’évêque Strossmauer) ; mais pour finir, au dernier vote, une écrasante majorité fut obtenue.

Par cette organisation on a étouffé la volonté de Christ et l’on a transformé l’Église, qui est un royaume céleste, en un royaume terrestre. On oublia que dans l’Église il n’y avait pas de chefs auprès de Jésus-Christ, l’unique chef, tandis que tous les chrétiens sont des frères. « Vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères » (Matthieu 23.8). On oublia les enseignements de Pierre qui a dirigé les paroles suivantes aux évêques :

« Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, le surveillant, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non pour un gain sordide, mais avec l’élan du cœur ; non pas en faisant les seigneurs à l’égard de ceux qui vous sont échus en partage, mais en devenant les modèles du troupeau. » (1 Pierre 5.2,3)

On oublia que Pierre dit à l’impotent de la Belle Porte : « De l’argent et de l’or, je n’en ai pas », et qu’à Corneille, centurion romain qui, en le voyant, s’était prosterné à ses pieds, il dit : « Relève-toi. Je ne suis qu’un homme, moi aussi » (Actes 3.6; 10.26).

Il faut donc retourner à la Parole de Dieu et rétablir l’Église dans sa valeur de royaume des cieux, laissant au souverain de la terre le désir de s’imposer aux autres et d’être glorifié par les autres. Il faut retourner encore aujourd’hui à la constitution de l’Église comme elle était aux temps apostoliques, sans accepter les contradictions qui, dans le progrès des siècles, se sont superposées à l’enseignement de Dieu.

III. Le culte chrétien

Au premier siècle, il n’y avait pas de temples réservés pour le culte chrétien. On se réunissait dans des maisons privées. Au début, les réunions des chrétiens étaient accomplies tous les jours (Actes 2.46,47), mais le premier jour de la semaine, qui rappelait la résurrection du Christ, était spécial (Actes 20.7; 1 Corinthiens 16.2; Apocalypse 1.10). C’est en ce jour que la Sainte Cène, symbole de la communion spirituelle avec le Christ, était célébrée. C’était le mémorial de la mort du Christ, qu’on attendait du ciel (1 Corinthiens 11.17-27). Une certaine spontanéité semble avoir caractérisé le culte de l’Église primitive (1 Cor. 14.26), quoique l’ordre et la bienséance soient respectés (1 Cor. 14.27-33). On chantait des psaumes et des cantiques, composés sans doute par les chrétiens. Un frère priait à haute voix, l’assemblée s’associant à la prière par l’amen (1 Corinthiens 14.16). Des hommes fidèles adressaient aux assemblées des paroles d’enseignement, d’exhortation ou d’encouragement.

Après la mort des apôtres et des autres hommes inspirés du premier siècle, des changements s’introduisirent rapidement dans le culte. On commença à observer des fêtes : les Pâques, la Pentecôte et l’Épiphanie. Les éléments spontanés du culte primitif se figèrent et aboutirent à une liturgie rigide. Puis on commença à célébrer le culte tous les jours, bien que le dimanche il eût plus de solennité. On commença aussi à célébrer l’anniversaire de la mort des martyrs et aussi à prier pour les autres morts.

Aux quatrième et cinquième siècles, en raison du nombre plus grand des fidèles, qui généralement suivirent la conversion de leur roi ou de leur chef, on bâtit de grandes basiliques somptueuses, divisées en plusieurs nefs, décorées de peintures, de fresques et de mosaïques. On oublia les décisions du concile d’Elvire en Espagne qui avait défendu d’introduire des peintures ou des statues dans les églises.

« Voilà ce qui nous a plu, dirent les évêques qui s’y étaient réunis : il n’est pas permis de peindre dans les églises quelque sorte d’image, parce qu’on ne doit pas peindre sur les murs ce qui est objet d’adoration ou de vénération. » (Can. 36, a. 406)

La liturgie devint, surtout en Orient, de plus en plus longue et pompeuse. Ambroise, à Milan, voua ses soins au chant sacré auquel, selon lui, l’assemblée devait prendre part.

L’eucharistie fut entourée d’une superstition de plus en plus accentuée. On y vit la présence réelle du Christ et le renouvellement de son sacrifice. L’usage de la confession privée s’introduisit chez les moines d’abord, et de là dans le reste de l’Église.

Avec l’introduction des masses de plus en plus païennes dans l’Église, le culte se paganisa. Le dimanche, jour consacré au soleil, devint avec Constantin un jour de fête légale. La fête du soleil naissant, qu’on célébrait le 25 décembre à Rome, devint la fête de la nativité de Jésus, la lumière du monde. Le culte de Marie, des apôtres, des martyrs se substitua à l’ancien polythéisme. Les Églises, les individus et les corporations, au lieu des vieux dieux païens, se placèrent désormais sous la protection d’un saint. Les temples païens furent détruits ou dédiés à ces nouveaux saints. Le panthéon de Rome, auparavant consacré à toutes les divinités, vint à être dédié à tous les saints. Comme auparavant, les processions continuèrent, mais désormais ce ne sera pas le simulacre d’une divinité païenne qu’on portera avec solennité au son de la musique, mais les statues des nouveaux saints.

Bientôt dans chaque autel on désira placer une relique sacrée. Et les moines inaugurèrent un trafic scandaleux de reliques vraies et fausses. Le culte des images, les pèlerinages, les processions satisfaisaient le goût du faste et la superstition qui animaient les foules. L’Abbé Marin, dans son livre Les moines de Constantinople (Paris 1897, p. 319), écrit que le culte des images

« … s’était enraciné peu à peu dans la vie religieuse du peuple, qui s’était fait une habitude très chère de demander aux images secours et protection dans toutes ses entreprises. On les emportait en voyage ; elles présidaient aux jeux de l’hippodrome ; elles marchaient dans les batailles en tête des armées impériales. Héraclius emmenait avec lui dans son expédition contre les Perses l’image du Sauveur « non faite de main d’homme ». À la veille d’engager une lutte décisive, une image du Christ à la main, il haranguait ses soldats. Les Avares, qui étaient venus, en son absence, mettre le siège devant Constantinople, avaient été obligés, après quarante jours d’efforts inutiles, de se retirer en désordre, repoussés loin de la ville gardée de Dieu, moins par le courage de ses habitants que par la toute-puissante protection de la mère de Dieu, patronne de la capitale. Comment la très sainte Théotocos aurait-elle pu résister aux supplications de son peuple ? Son image et les images des saints auraient-elles donc en vain été portées en procession, aux chants des psaumes et des cantiques, à travers les flots pressés d’une population suppliante ? » (p. 319)

« Le culte des images occupait une place considérable dans les circonstances solennelles et dans les cérémonies officielles de l’empire ; il se trouvait mêlé plus intimement encore aux habitudes de la vie ordinaire du peuple de Byzance. Partout, dans les églises et les chapelles, dans les maisons particulières, dans les chambres d’habitation et dans les chambres à coucher, devant les boutiques, sur les marchés, sur les livres et les habits, sur les ustensiles de ménage et les joyaux, sur les chatons de bagues, sur les coupes, sur les vases, sur les murailles, à l’entrée des ateliers, en un mot, partout où cela pouvait se faire, on plaçait l’image du Sauveur, de la mère de Dieu, ou d’un Saint. On les trouvait sous toutes les formes et dans toutes les grandeurs… on en portait sur soi comme amulettes, on les emmenait avec soi en voyage : les images étaient pour le chrétien de Byzance un gage assuré de bénédiction et de salut, une garantie de la protection et du secours d’en haut : sans l’image il ne pouvait pas vivre. » (ibidem, 320-321)

Ceux qui protestaient contre ces déviations étaient traités d’impies, et leurs réactions restaient sans succès. Qu’on se rappelle la lutte iconoclaste en Orient et les oppositions occidentales des livres Carolines, écrits probablement par le théologien Alcuin à la cour de Charlemagne. Celui-ci acceptait les images, mais simplement pour décorer les églises et rappeler les faits du passé ; mais on ne pouvait pas leur offrir un culte quelconque. Il était défendu d’allumer des cierges ou de jeter des coups d’encensoir vers les images.

Un païen ressuscité qui, au moyen-âge, aurait vu le culte des chrétiens, aurait reconnu son vieux culte païen malgré toutes les transformations, tandis qu’un chrétien de l’âge apostolique n’aurait plus reconnu sa religion. Qu’est-elle devenue la parole de Jésus quand il a dit :

« L’heure vient – et nous y sommes – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité. Car ce sont là les adorateurs tels que les veut le Père. Dieu est esprit et ceux qui adorent c’est en esprit et vérité qu’ils doivent adorer. » (Jean 4.23-25)

C’est bien à raison qu’au 9e siècle l’archevêque Claude de Turin (827), en brisant toutes les statues, y compris les croix, dit : « Les chrétiens ont conservé l’idolâtrie païenne, ils en ont changé seulement les noms » (Migne, Patrologie Latine, t. CV, 459-464).

Où se trouve-t-elle la participation de tous les fidèles à l’adoration du Père au nom de Jésus, sans d’autres intermédiaires ? On sait que les catéchismes catholiques, dans le désir de soutenir le culte des images, n’ont pas craint de transformer aussi les commandements du Seigneur. Dieu donna à Moïse dix commandements que nous lisons dans Exode 20 :

Bible Catéchisme
1er Comm. « Tu n’auras pas d’autres dieux que moi. » (v 3) 1. Un seul Dieu tu adoreras.
2e Comm. « Tu ne te feras aucune image sculptée… Tu ne te prosterneras pas devant ces images, ni tu les serviras. » (v 4-6) . _ _ _ _ _
3e Comm. « Tu ne prononceras nom de Jahvé, ton Dieu à faux. » (v 7) 2. Le nom de Dieu ne jureras.
4e Comm. « Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. » (v 8-11) 3. Le dimanche sanctifieras.
5e Comm. « Honore ton père et ta mère. » (v 12) 4. Ton père et ta mère honoreras.
6e Comm. « Tu ne tueras pas. » (v 13) 5. Homicide point ne feras.
7e Comm. « Tu ne commettras pas d’adultère. » (v 14) 6. L’impureté ne commettras.
8e Comm. « Tu ne voleras pas. » (v 15) 7. Le bien d’autrui tu ne prendras.
9e Comm. « Tu ne porteras pas de témoignage mensonger contre ton prochain. » (v 16) 8. Faux témoignage ne diras.
l0e Comm. « Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne : rien de ce qui est à lui. » (v 17) 9. Désir mauvais repousseras.
10. Bien d’autrui ne convoiteras.

On a donc éliminé le deuxième commandement qui défendait de garder des images pour leur offrir un culte quelconque ; et pour rétablir le nombre dix, on a coupé en deux le dixième commandement qui, dans la Bible, unissait ensemble le devoir d’éliminer chaque convoitise, soit pour les femmes, soit pour les biens d’autrui. De cette manière on a rétabli le nombre dix, bien qu’un commandement (le deuxième) ait été éliminé. Et après on a dit que ces nouveaux commandements étaient les dix commandements que Dieu donna à Moïse sur la montagne du Sinaï.

IV. Le baptême

Au premier siècle le baptême, symbole du renoncement à la vie mauvaise et de la résurrection en nouveauté de vie, était administré à ceux qui entraient dans l’Église après avoir cru et s’être repentis (Romains 6.1-6; Marc 16.16). Dans le Nouveau Testament, il est clair qu’aucune période d’attente n’était imposée de façon systématique. Au contraire, on baptisait ceux qui acceptaient l’Évangile le jour même où ils confessaient leur foi (Actes 2.38-41; 8.35-39; 10.44-48; 16.13-15,32-34). Le baptême se faisait uniquement par immersion (Actes 8.35-39; Romains 6.2-7; Col. 2.12).

Encore, dans les siècles qui suivirent, après la mort des apôtres de Christ, des changements s’introduisirent en ce qui concerne le baptême aussi. Au lieu de baptiser les gens dès qu’ils croyaient et se repentaient, on prit l’habitude de préparer le baptême par deux ou trois ans d’instruction, appelés catéchuménat. La cérémonie était précédée d’un jeûne, d’une profession de foi et de l’exorcisme. Elle était accomplie par une triple immersion et suivie par l’imposition des mains ou confirmation. Les malades pouvaient se faire baptiser par infusion, c’est-à-dire par un peu d’eau qu’on versait sur leur tête. Certains déféraient leur baptême jusqu’à leur lit de mort, pour être sûrs de ne pas pécher après l’avoir reçu.

On se mit à considérer le baptême, surtout à partir du temps d’Augustin, comme un moyen pour effacer le péché originel, tandis qu’auparavant jamais on n’avait parlé du péché originel. La conséquence a été la généralisation de l’usage de baptiser les enfants, les parrain et marraine prenant les engagements à la place de l’enfant. La confirmation (cérémonie inconnue de la Bible) fut administrée quand l’enfant atteignit l’âge de raison.

Le baptême catholique n’a donc plus la même forme (l’immersion plutôt que l’aspersion), ni le même objectif (le pardon des péchés commis par celui qui se faisait baptiser plutôt que le péché originel), ni le même candidat (l’adulte croyant plutôt que le petit enfant) que le baptême ordonné par Jésus et enseigné par ses apôtres.

Conclusion

Il faut donc quitter le catholicisme, avec sa liturgie, son immobilité cultuelle d’aujourd’hui qui est en contraste avec la liberté des premiers temps, avec sa répétition mécanique des prières liturgiques qu’on ne comprend pas et qui ne sont pas en harmonie avec notre esprit. On doit retourner au baptême des adultes qui, avec pleine conscience, se consacrent à Dieu par Jésus-Christ dans une nouveauté de vie.

Qu’il me soit permis de terminer avec la prière que fit, il y a plus de 300 ans, l’archevêque de Canterbury, W. Land, en y introduisant des petits changements :

« Père miséricordieux, nous t’implorons humblement pour l’Église catholique. Remplis-la de toute vérité et de toute paix. Là où elle est corrompue, purifie-la ; où elle est dans l’erreur, redresse-la ; où elle est dans la superstition, corrige-la ; où elle est infidèle, réforme-la ; où elle est fidèle, fortifie et assure-la. Donne-nous, qui désirons obéir humblement à la simple parole, la possibilité de travailler pour rebâtir la vraie Église du Christ, en réparant les brèches de ce qui maintenant est divisé et déchiré. Ô toi, le Saint du vrai Israël. Amen. »