Cet article est un extrait du livre Un ancien prêtre vous parle.
J’avais treize ans lorsque ma mère me dit : « Veux-tu entrer au Séminaire ? L’année prochaine, tu seras dans l’impossibilité de poursuivre tes études puisque, faute d’élèves, il n’y aura pas de cours au Lycée de Tréviglio ; tandis qu’en entrant au Séminaire, tu pourras continuer tes études pour devenir prêtre. » Je répondis : « Oui, Maman. »
En ce temps-là, j’étais enchanté quand je pouvais servir la Messe ou aller avec certains prêtres visiter les malades, et, quand cela m’était possible, de participer à tous les services religieux. La prêtrise m’avait été présentée comme la suprême gloire que l’on puisse gagner sur cette terre.
Et ce fut ainsi que je revêtis la longue soutane noire qui distingue les prêtres des laïcs. J’étais de petite taille, mais, pourvu de cette soutane, je me croyais supérieur aux autres enfants de mon âge. Mes parents eux-mêmes étaient très fiers de moi, parce que j’allais devenir un autre Jésus-Christ sur terre.
Je fus bien accueilli au petit Séminaire de Milan. Sauf quelques heures de jeux, toutes nos journées étaient consacrées à la prière et à l’étude.
Trois « Grandes Amours » furent inculquées dans notre cœur :
- l’amour de la très Sainte Vierge,
- l’amour de l’Eucharistie,
- et l’amour du Pape.
La Sainte Vierge Marie, nous disait-on alors, n’est-elle pas la douce Mère du Sauveur, et même notre Mère à tous ? – Un fils peut-il ne pas aimer sa propre mère ? Tous les jours, on nous faisait réciter le chapelet en son honneur.
Dans la Sainte Hostie, que nous recevions tous les matins, est caché, nous enseignait-on, le même Jésus-Christ que celui qui avait jadis foulé toutes les routes palestiniennes. Le pain, après sa consécration, n’est plus du vrai pain ; mais il est mystérieusement transformé et devient le corps même de Jésus.
Le Pape ! Autre grand amour de notre cœur. N’était-il pas, selon l’expression de sainte Catherine de Sienne, « le doux Christ sur terre » ? Comment ne pas l’aimer comme on aime le Christ glorieux ? J’étais, dans ces dispositions, parvenu aux Études Théologiques à la Faculté de Milan. Ici, un premier grand changement se produisit dans toutes mes pensées et dans ma vie. Je commençais à aimer la vérité, et à la rechercher de toutes mes forces. J’appris à ne plus me fier aveuglément aux affirmations des autres personnes, mais à rechercher personnellement la vérité. Je commençais aussi à connaître la Bible, à avoir en elle une pleine confiance et à la comparer aux enseignements donnés par mes professeurs. Ce fut alors que je ressentis les premiers doutes concernant la Foi. L’ensemble des opinions émises par des théologiens me donnait la sensation de former une magnifique construction, élevée avec beaucoup d’esprit et de raisonnement, mais, hélas ! avec fort peu de fondement établi sur la Bible. Ce fut ainsi que je perdis la foi. C’était le scepticisme qui l’avait emporté en moi. Le catholicisme, comme c’est le cas chez la plupart des croyants, était par moi assimilé au christianisme. La chute du catholicisme apportait donc, pour moi, la chute de tout christianisme. Je voulais quitter le Séminaire… Mais mon amour pour la Bible m’empêchait de prendre une décision immédiate. Où me serait-il possible de continuer les études sur la Bible, lesquelles m’enchantaient énormément ? Minée par ces tourments intérieurs, ma santé baissait à vue d’œil, et je n’avais pas le courage de m’enfuir. Je redoutais tout : ma famille, mes parents, mes amis. Je me sentais comme lié par des chaînes à ma position présente.
À la suite de ces hésitations, je fus envoyé à l’Institut Biblique Pontifical de Rome pour me perfectionner dans la connaissance de la Bible.
Étant très jeune, je ne pouvais être envoyé dans une paroisse. On m’avait demandé si je préférais étudier l’histoire ecclésiastique à Louvain, en Belgique, ou les Saintes Écritures à Rome. Je choisis les Saintes Écritures ; ce fut un bien.
Par la lecture de la Parole de Dieu, je retrouvai la Foi et, à nouveau, je pus appeler mon Dieu du doux nom de Père. C’est à Rome où j’étudiais que je fus ordonné prêtre. Ensuite, je fus nommé professeur de langues orientales et de la Bible au Grand Séminaire de Milan. On m’envoya également enseigner l’Histoire de l’Église aux Instituteurs et aux Institutrices qui fréquentaient l’Université Catholique du Sacré-Cœur-de-Jésus, afin de compléter leurs études.
Mais mon enseignement n’était pas vu avec plaisir par mes supérieurs. J’étais adoré de mes élèves. Mes supérieurs, au contraire, redoutaient la liberté avec laquelle je développais mes arguments.
N’étais-je cependant pas obligé de suivre les décisions de Rome, moi, qui, au début de ma carrière professorale, avais prêté serment d’expliquer la Bible non suivant mes vues, mais uniquement selon l’interprétation acceptée et défendue par « ma sainte mère l’Église » ? Les études que je publiais dans la revue Scuola Cattolica (École Catholique) soulevaient toujours beaucoup d’opposition. À cause de mes conclusions trop progressistes, comme disaient les catholiques, je fus obligé d’abandonner mon professorat. Ma santé était très déficiente. On déclara alors que, pour me reposer, j’avais été obligé de délaisser mes études pour travailler en qualité de chanoine théologien à la cure de Tréviglio, dans le diocèse de Milan.
Pendant que j’occupais cette fonction nouvelle éclata la deuxième Grande Guerre mondiale. On n’avait plus le temps de s’occuper des études. Il était indispensable d’œuvrer pour consoler les malheureux et pour raffermir la foi de beaucoup de personnes découragées. Il était également nécessaire de lutter contre la détresse générale et contre la malveillance humaine déchaînée par la guerre.
Finalement reparut l’arc-en-ciel. C’était de nouveau la paix tant souhaitée. Et avec la paix revint la possibilité d’étudier. Les anciennes préventions contre mon enseignement étaient maintenant oubliées. J’eus à nouveau l’occasion de composer certains travaux religieux. On m’avait confié la préparation de quelques commentaires sur une nouvelle traduction italienne de la Bible. Tous les ans, je me rendais à Rome pour faire des conférences bibliques devant des professeurs qui enseignaient les Saintes Écritures dans les Grands Séminaires d’Italie. Je fus chargé de préparer de nombreux extraits bibliques destinés à « L’Enciclopedia Cattolica » du Vatican et à « L’Enciclopedia Ecclesiastica » de Bergame. On voulait me confier une charge parmi les docteurs de « L’Ambrosiana », la célèbre bibliothèque de Milan, où M. Mercati et M. Cériani avaient autrefois travaillé.
Mais, je me débattais en pleine crise spirituelle. Étais-je dans la vérité ? L’Église catholique était-elle l’Église authentique instituée par Jésus-Christ ? Les commandements du Pape et des évêques étaient-ils réellement les commandements de Jésus ? J’en doutais !
Les trois raisons qui me plongeaient dans cette incertitude étaient : l’allure trop matérialiste de l’Église, la superstition qu’elle entretenait chez beaucoup de chrétiens, et surtout son éloignement du véritable enseignement de Jésus.
I. L’allure trop matérialiste de l’Église catholique
Jésus avait dit à Pilate :
« Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi, afin que je ne fusse pas livré aux Juifs ; mais, maintenant, mon royaume n’est point d’ici-bas. » (Jean 18.36)
Mais, considérant l’Église catholique sous son aspect actuel, je ressentais la vive impression qu’elle était devenue semblable à un royaume de ce monde. Elle a ses ambassadeurs, elle a ses gardes qui, dans le passé, étaient beaucoup plus nombreux qu’aujourd’hui. Elle recherche de plus en plus l’amitié et l’appui des puissants de la terre ; elle possède même un trésor d’une valeur qui est presque inestimable.
Aujourd’hui, combien on est loin de la simplicité et la foi des premiers siècles chrétiens !
Je me rappelle la conversation que j’eus un jour avec un prêtre chinois, lorsqu’il séjournait à Rome pour parfaire ses connaissances théologiques. Il avait reçu une lettre dans laquelle son père, non converti au catholicisme, lui faisait part de sa volonté de visiter cette grande ville où son fils étudiait. Et le fils, prêtre, déclina la proposition de son père. « Parce que, me disait-il, s’il vient ici, et qu’il voit les coutumes des adeptes, il ne se convertira jamais au catholicisme. Il me dirait : Notre religion chinoise est meilleure que la religion catholique ; celle-ci est beaucoup trop matérialiste. »
Je ressentis alors la nécessité d’une religion plus pure, plus intérieure, plus en harmonie avec la vie de notre Sauveur Jésus…
II. La superstition chez beaucoup de catholiques italiens
Plusieurs fois, j’ai été le témoin en Italie de la pratique de superstitions, auxquelles les prêtres ne croient même pas, mais qui pourtant sont prêchées parce qu’elles rapportent beaucoup d’argent. Une fois, le curé de ma paroisse exposa dans son église la statue de Rita de Cascia, la sainte invoquée pour obtenir toutes les grâces précédemment refusées. Je lui demandai :
« Croyez-vous à l’intercession de cette sainte ?
– Oh ! je n’y crois point. Mais tout le monde y croit. Les chrétiens viennent ici et ils y laissent beaucoup d’argent. Ainsi, par cette sainte, j’aurai la possibilité de bâtir une maison où les enfants viendront jouer tous les dimanches et étudier le catéchisme. »
Je me souviens aussi de ce qui est arrivé à propos de mon enseignement concernant Notre-Dame de Lorette. Tout le monde connaît ce que l’on dit au sujet de ce sanctuaire. Il contient, dit-on, la vraie maison de la très Sainte Vierge Marie, que les Anges auraient transportée à travers le ciel au 11e siècle, premièrement en Dalmatie et enfin sur la côte de la mer Adriatique, tout près de la cité d’Ancône. J’avais dit à mes élèves que cette tradition était une pure légende, sans aucune valeur historique. En Palestine, au temps de Jésus, on n’employait pas de briques cuites au four comme on peut les voir dans la prétendue maison de Marie. Son architecture est bien différente de celle suivie alors en Palestine. Les matériaux employés pour le rejointoiement des briques avaient été empruntés au proche Mont Conéro. Les documents qui furent rédigés au moment le plus proche de cet événement ne disent pas un mot de cette miraculeuse translation de la petite maison de Marie par les Anges.
Beaucoup d’autres catholiques de France et de Belgique dénient la véracité de cette légende. Mais la tendance de mon enseignement parvint aux oreilles du Pape Pie XI. Et par mon trésorier, M. Borgoncini Duca, il fit écrire à mes supérieurs pour leur marquer sa désapprobation à mon sujet. Il ne voulait pas porter de jugement sur la véracité de la miraculeuse translation. Mais il blâmait mon enseignement, parce qu’il n’était pas conforme à la conduite qu’il avait imposée. « En ce moment, tandis que nous nous efforçons d’attirer beaucoup de pèlerinages à Lorette pour en faire un sanctuaire national, il est dommage que M. Salvoni conteste la réalité de ce miracle. »
Je me souviens que cette lettre a été la goutte qui, ajoutée à mon enseignement trop progressiste pour les catholiques, fit déborder la vase contre moi. Ce fut la dernière raison pour laquelle je dus délaisser mon enseignement. Comment est-il possible, me demandai-je alors, de maintenir dans l’erreur et dans la superstition tant de personnes pour un gain purement matériel ?
III. L’éloignement de la vérité biblique
Vous allez peut-être me rétorquer : « Mais, chez nous, le catholicisme n’est pas le même que celui pratiqué en Italie. Ici, nous n’avons pas de ces superstitions. »
Attendez, car il y a une autre raison, beaucoup plus importante que les deux précédentes, qui m’a poussé à me défroquer. Et c’est un argument qui a de la valeur dans tous les pays où le catholicisme est implanté. C’est son éloignement de la doctrine biblique, de la doctrine de Jésus et des apôtres. Combien de dogmes ont été ajoutés à la foi des premiers siècles ! Et combien ils sont éloignés de l’enseignement de Jésus ! L’Église catholique, comparée à la doctrine de la Bible, se plonge toujours de plus en plus dans une grande apostasie.
La Bible tout entière parle de Jésus-Christ qui est notre unique Sauveur. C’est lui l’unique chef de l’Église. Mais l’Église catholique reconnaît également un autre chef, qui s’attribue, de jour en jour, des pouvoirs plus étendus, c’est le Pontife romain. C’est Jésus, l’unique médiateur, qui, selon la Bible (1 Timothée 2.5), nous amène au Père ; c’est lui, l’unique personne que les apôtres inspirés ont glorifiée, chantée dans leurs prédications. Mais, maintenant, c’est à tout moment la Vierge Marie qui est exaltée et qui nous est présentée comme la distributrice du salut, comme la reine des âmes, comme la route la plus sûre pour arriver au ciel.
Jésus était, pour les premiers chrétiens, l’unique prêtre agréé par le Père. Mais aujourd’hui, on ne peut plus aller au Père si ce n’est par l’intermédiaire d’autres prêtres qui nous absolvent au nom de Dieu, qui dans la Sainte-Eucharistie rendent présente la substance matérielle et charnelle de Jésus-Christ, et qui tous les jours offrent à Dieu le sacrifice de la Messe.
Combien de fois, quand j’enseignais la Bible, ai-je entendu de nombreux professeurs, qui inculquaient les dogmes, me reprocher mes interprétations des Saintes Écritures, qui privaient des principaux arguments bibliques favorables aux dogmes catholiques. « Si nous instruisions de cette manière, me disaient-ils, nous ne pourrions plus démontrer nos dogmes par la Bible. »
Ces théologiens étaient en réalité habitués à isoler une phrase du contexte biblique, afin de soutenir leurs dogmes. Mais n’est-ce pas par le contexte qu’on peut comprendre la vraie signification et la réelle portée d’un passage de la Bible ?
Pour moi, c’était une nécessité vitale d’étudier la Bible, jour et nuit, afin de retrouver l’ancienne foi des apôtres et des premiers chrétiens. Mon Dieu, tu connais les larmes et les soupirs de ces jours-là !… Finalement, je fus convaincu que la Bible contenait la « Vérité ». Il était donc nécessaire pour moi d’abandonner toutes mes anciennes croyances. Mais aurais-je la force nécessaire pour suivre jusqu’au bout la voie nouvelle dans laquelle je m’engageais ?
IV. Ma conversion
Un matin, après une nuit d’insomnie, pleine de larmes amères et de tourments, je priai le bon Dieu avec grande confiance et avec beaucoup de foi : « Père, si tu le veux, accorde-moi une réponse. La foi qu’aujourd’hui je possède est-elle juste ? Dois-je renoncer à ma soutane ? Réponds-moi et accorde-moi la paix dont j’ai grand besoin. » Au moment même, une idée lumineuse me vint à l’esprit : « Ouvre ta Bible, par elle tu auras la réponse. »
J’ouvris la Bible et aussitôt une phrase attira mon attention. C’était la réponse de Jésus à l’aveugle Bartimée :
« Va, ta foi t’a guéri. »
Alors, mes yeux se descellèrent. J’avais été aveugle jusqu’à ce moment-là. Je devais renoncer à mon sacerdoce. Je devais retourner à la foi simple et vive des premiers chrétiens et repousser tous les changements arbitraires que l’Église catholique avait apportés au message du Christ. Il ne m’était donc plus possible d’exercer la prêtrise. Je ne pouvais plus demeurer dans un état qui serait pour moi un intolérable et perpétuel mensonge. Et, dès ce moment, une paix, celle que depuis si longtemps j’avais vainement cherchée, me saisit et ne me délaissa plus. C’était la paix de Dieu, la paix de celui qui se sent fils du grand Père, de celui qui est dans les cieux.
Je me rendis chez M. le Curé qui dirigeait la paroisse où j’étais chanoine. Je lui dis avec simplicité :
« Monseigneur, je ne peux plus croire à tous les dogmes de l’Église catholique ! À présent, voyez-vous encore l’opportunité de mes services ? Je ne peux plus rester ici bien longtemps… »
Le pauvre prêtre me regardait avec ébahissement.
« As-tu vraiment dit que tu ne peux plus croire ?… Ai-je vraiment bien entendu ? Tu ne crois plus ?… Non ! Je ne puis te répondre… Je me rends, sur-le-champ, à Milan, pour en parler avec Monseigneur le Cardinal. »
C’était le quinze février dix-neuf cent cinquante (15 février 1950).
La réponse de l’Archevêque ne se fit pas attendre. Elle était très concise. « Parce que tu ne crois pas tout ce que l’Église catholique enseigne, tu ne pourras plus percevoir d’argent de la part de l’Église. Ce que tu veux faire, fais-le tout de suite. » La dernière sentence était la réponse de Jésus à Judas (Jean 13.27).
J’étais seul. Mes parents me délaissèrent. Les prêtres ne voulurent plus causer avec moi. J’étais sans position.
J’avais été rejeté par ma famille, mes frères, mes amis, et je perdis ma maison et mes meubles… Je ne pus sauver que mes livres… dont beaucoup allaient être vendus pour me permettre de vivre. Je ne pouvais plus, faute d’éditeurs, publier mes travaux bibliques.
Combien il était difficile pour moi, ex-prêtre, de vivre en Italie ! J’avais obtenu un bon emploi dans une société italienne ; mais, lorsque l’on apprit que j’étais un défroqué, on m’informa de ce que les dirigeants de la firme, quoiqu’ils comprissent ma situation et admirassent ma fermeté, ne pouvaient toutefois, en me conservant, se brouiller avec l’autorité publique ou avec le Cardinal Schuster. Je fus ainsi de nouveau sans occupation. Mais, malgré tout, j’étais heureux. Dieu n’était-il pas mon Père ? Et Jésus n’avait-il pas dit :
« Ne vous mettez pas en souci pour votre vie, de ce que vous mangerez ou de ce que vous boirez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? Regardez les oiseaux du ciel : ils ne sèment, ni ne moissonnent, ils n’amassent pas dans les greniers, et votre Père céleste les nourrit ! Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux ? » (Matthieu 6.25,26)
Dieu ne pouvait m’abandonner. Il savait très bien où il me conduisait, je ne le savais pas en ce moment ; Dieu me préparait une nouvelle Église, « l’Église du Christ », beaucoup plus proche de l’Église des apôtres que de l’Église catholique ; mais mon Père allait de nouveau me fournir la possibilité de prêcher, avec franchise et paix, le pur message de l’Évangile.
Les voies de Dieu sont vraiment impénétrables, mais admirables. Voici comment je connus l’Église du Christ !
Un jour, à Milan, alors que je discutais avec une femme médecin sur le célibat des prêtres, un sculpteur de Rome vint nous trouver pour un renseignement. Je lui fus présenté en ces termes : « Voici un honnête homme, qui maintenant est bien plus prêtre qu’auparavant. »
C’est de cette manière que l’inconnu de Rome apprit ma position. Nous parlâmes pendant un certain temps, et je lui dépeignis ma détresse de ne point connaître d’Église à fréquenter le dimanche et d’y trouver des frères dans la foi.
« Il m’est très difficile et pénible, lui dis-je, de ne pouvoir vivre selon les ordonnances du Nouveau Testament. »
« Connaissez-vous, me répondit-il, « l’Église du Christ » qui se trouve à Rome ? Voici l’adresse à laquelle vous pouvez écrire et, si la réponse est conforme à vos désirs, vous pourrez y trouver des amis. Je ne suis pas membre de l’Église du Christ, je ne la connais que par la lecture d’un journal romain. »
Nous nous saluâmes. Mais je n’écrivis pas à l’Église du Christ. J’avais peur. Auparavant, j’avais lu dans certains journaux catholiques que l’Église du Christ était un groupe politique, pas religieux du tout, achetant les âmes avec de l’argent. Ce n’était pas conforme à mes désirs. Je craignais aussi de m’engager sur une route qui m’apporterait, peut-être, de nouveaux déboires. J’en avais par-dessus la tête des croyances humaines ; je connaissais maintenant la vérité par les sentences mêmes de la Bible.
Des mois s’écoulèrent sans apporter aucun changement à ma triste situation. Un jour, je lisais un journal et une annonce attira mon attention. C’était l’annonce d’une société italienne offrant du travail à des hommes. Ne pourrais-je de nouveau tenter le sort, moi qui avais tant de difficultés pour vivre ? Je pourrais peut-être offrir mes services. La chance était à courir. Mais, ne serait-ce pas là, pour moi, un nouvel échec ? N’allais-je pas au-devant d’un nouveau refus ?
Après une heure d’hésitations, je remis mon avenir entre les mains de Dieu et je sortis. Je montai dans un tramway… Quelques minutes plus tard, quelqu’un m’interpella en ces termes : « Monsieur le Professeur, combien charmé de vous rencontrer ! »
Je me tournai vers la droite et je vis le sculpteur de Rome ; celui-ci, se trouvant, ce matin-là, à Milan, venait, par un pur hasard, de monter dans le même tramway que moi.
« Avez-vous écrit à « l’Église du Christ » », me demanda-t-il ?
« Non pas », lui répondis-je !…
« Disposez-vous d’un peu de temps ? J’ai appris que l’Église du Christ est également établie à Milan. J’en connais le prédicateur. Venez avec moi, si cela vous plaît. Ce tramway passe devant l’église. Je vous présenterai au prédicateur. Il ne pourra résulter de cette visite aucune obligation de vous affilier à cette institution. »
J’acceptai, et ce fut ainsi que je parlai avec un missionnaire de « l’Église du Christ », par l’intermédiaire d’un homme qui n’était pas membre de cette communauté. Je ne revis jamais ce sculpteur.
Je parlai franchement avec le missionnaire. Je lui dis :
« J’ai la foi, mais la foi biblique. Je ne veux pas la changer. J’ai délaissé le catholicisme, parce que je ne veux pas croire à ce que la Bible ne dit point. Je ne veux pas être membre d’une nouvelle Église, si celle-ci veut m’imposer quoi que ce soit en dehors de la Bible. Si vous êtes en harmonie avec ma foi, je suis tout prêt à vous aider. Mais, dans le cas contraire, je m’en vais… »
« Voyons ce que tu crois », me répondit le missionnaire.
Et, sur le champ, nous examinâmes les plus importants problèmes de notre foi. C’est avec un joyeux étonnement que nous constatâmes que nous nous trouvions en parfait accord. Voici deux personnes qui ne s’étaient jamais vues, l’une italienne, l’autre américaine, et qui pourtant se trouvaient en complète concordance de vues sur les principaux problèmes du salut. N’est-ce pas là une démonstration lumineuse que la Bible, si on l’étudie sincèrement et humblement, nous fait réellement connaître l’unique vraie foi du salut ? C’est quand on veut l’étudier avec des préjugés, quand on veut y introduire des traditions humaines, que naissent les différentes interprétations des diverses Églises chrétiennes.
Il me manquait encore d’avoir reçu le Baptême apostolique pour être ajouté à la véritable Église de Jésus, à cette Église qui est antérieure même à l’Église dite catholique. Peu après, je fus immergé pour le pardon de mes péchés et je reçus enfin, avec le don du Saint-Esprit, la faveur et l’honneur de prêcher aux autres hommes le sincère christianisme, celui qui est en accord parfait avec la doctrine du Nouveau Testament.
C’était Dieu et uniquement Dieu qui m’avait conduit dans la vraie famille de ces croyants. Dieu écoute toujours la prière de ceux qui se donnent à lui avec confiance, avec sincérité, avec pureté. Vraiment, Dieu est un Dieu tout-puissant. Qu’il accorde également à tous les lecteurs la grâce d’étudier la Bible afin de connaître sa volonté.
« À lui soit la gloire, comme écrivait Paul, dans tous les siècles. Amen. » (Romains 11.36)
Notes Biographiques
Né en 1907 à Rudiano en Italie, Fausto Salvoni est entré au séminaire à l’âge de treize ans. Il est parvenu aux Études Théologiques à la Faculté de Milan, puis à l’Institut Biblique Pontifical avant de poursuivre l’étude des Saintes Écritures à Rome. Il dit de ses études : « Je commençais à aimer la vérité, et à la rechercher de toutes mes forces. »
Il fut ordonné prêtre en 1930 par le Cardinal Schuster et devint professeur de Langues Orientales au Grand Séminaire de Milan et de l’Histoire de l’Église à l’Université du Sacré-Cœur-de-Jésus.
Le professeur Salvoni écrivit des articles pour plusieurs revues religieuses, notamment Mediciana E Morale et La Scuola Cattolica. Il fut chargé de préparer de nombreux extraits bibliques destinés aux trois premiers tomes de L’Enciclopedia Cattolica, ainsi qu’à l’Enciclopedia Ecclesiastica de Bergame.
En 1946 fut publié son œuvre La Pedagogia del Vangelo et en 1953 son Dizionario Biblico fut édité sous le nom de Salvadori di Ceschina. Son Commentaire sur 1 et 2 Rois fut édité par Garofalo et publié par Marietti en 1950.
Sa propre recherche des Saintes Écritures l’a amené à abandonner le sacerdoce de l’Église catholique. À partir de 1952 il fut associé avec les Églises du Christ, et il voyagea à travers l’Europe et l’Amérique dans le but de restaurer la simplicité et la vérité du message de Jésus-Christ et de son Église.
Savant respecté, il fut appelé à collaborer dans la préparation de La Bibbia Concordata, édition œcuménique de la Bible, publiée en Italie en 1968 par Mondadori. Pour cette œuvre, acceptée officiellement par les Églises catholiques, protestantes, orthodoxes et la religion juive, il fut appelé à traduire les livres de 1 et 2 Chroniques, Daniel et les 12 livres des « petits » Prophètes ainsi qu’à éditer toutes les notes et les introductions aux livres de la Bible entière.
Parmi les œuvres du professeur Salvoni sont un livre de 460 pages intitulé Da Pietro Al Papato (De Pierre à la Papauté), une traduction du Nouveau Testament entier en coopération avec le professeur Italo Minestroni (tiré à plus d’un million d’exemplaires), et un livre, Dal Christianesimo Al Cattolicesimo (Du Christianisme au Catholicisme).
En 1966 il fonda le Centro Universitario di Studi Biblici à Milan. Il fut aussi rédacteur de la revue Richerche Bibliche E Religiose. Comme conférencier, il était très demandé sur les deux continents. Que son auditoire l’écoute en français, en anglais ou en italien, on était toujours impressionné par son humilité et par son amour de la Parole de Dieu.