Le Dieu de la création et de la révélation

Table des matières


Chapitre 1
La création

« Au commencement Dieu créa les cieux et la terre. »
Genèse 1.1

« Sur l’origine de la vie, convenons sans ambages que nous ne savons rien… nous ne possédons pas l’ombre d’un fait positif. »
Jean Rostand1Jean Rostand, Ce que je crois, Paris, Grasset 1953

« Les constantes fondamentales de la nature et les conditions initiales qui ont permis l’apparition de la vie paraissent réglées avec une précision vertigineuse. »
Grichka Bogdanov et Igor Bogdanov2Dieu et la Science, entretiens avec Igor et Grichka Bogdanov Jean Guitton (Auteur) Igor Bogdanov (Auteur) Grichka Bogdanov (Auteur) Grasset, mai 1991.

D’où vient l’univers ? L’univers a-t-il toujours existé ou a-t-il eu un commencement ? D’où vient la vie sur terre ? Est-elle le résultat de la chance ? Ou bien, est-elle l’œuvre d’une intelligence suprême douée d’une puissance illimitée ? Il nous faut choisir l’une de ces hypothèses. Quelle hypothèse choisirons-nous ? D’après quel raisonnement choisirons-nous l’une de ces deux hypothèses ?

Au départ nous avons deux hypothèses :

  1. L’univers/la vie apparurent par hasard.
  2. L’univers/la vie furent créés par une intelligence suprême (Dieu).

On pourrait aussi émettre ces deux hypothèses de la manière suivante : « Je crois que l’univers est apparu par hasard, sans l’intervention de Dieu. » Ou : « Je crois que l’univers a été créé par Dieu, qui est un être intelligent et tout puissant. » Laquelle de ces deux hypothèses est la plus vraisemblable ?

Première hypothèse : l’univers et la vie sont le produit du hasard

Certains acceptent d’emblée et sans difficulté l’hypothèse selon laquelle l’univers et la vie seraient apparus par hasard. Ces derniers diront sans doute que de toute manière Dieu n’existe pas… donc l’univers est simplement apparu par hasard ! Mais comment sait-on que Dieu n’existe pas ? Qui a traversé tout l’univers pour pouvoir déclarer que Dieu n’est pas quelque part dans l’univers ? (Il faut 100 000 années pour traverser notre galaxie à la vitesse de la lumière – 300 000 km seconde…) Qui sommes-nous pour être aussi péremptoires quant à l’inexistence de Dieu ?

L’univers et la vie sur terre sont-ils apparus par hasard ? Une façon populaire de définir cette « croyance » est de dire que tout ce qui existe dans l’univers serait le fruit du hasard et de la nécessité (par exemple Jacques Monod, Le Hasard et la Nécessité, Éd. du seuil Novembre 1970).

On peut croire que les mutations constatées dans la création sont le fruit du hasard et de la nécessité, mais comment expliquerons-nous la logique de ces mutations ? Le hasard est aveugle, mais pourtant il peut faire des choses étonnantes ! Créer la matière à partir de rien ; faire que cette matière devienne vie ; faire que les différentes formes de vie s’organisent d’une manière hautement complexe. Le hasard peut tout, fait tout, explique tout. On préfère cela à une explication qui constate le lien entre un monde organisé (comme le serait une usine, une machine, un langage) et l’hypothèse d’une intelligence à l’origine de ce monde.

Les constantes de l’univers

L’univers ne doit son existence qu’à l’existence de forces (ou constantes) précisément réglées au point que d’infimes modifications de ces constantes rendraient impossible l’existence des galaxies, des étoiles, du système solaire ou de la vie sur terre.

Ces constantes, qui sont au nombre d’environ 200, attestent d’une extraordinaire organisation, et qui dit organisation dit intelligence. Elles ne peuvent en aucun cas être attribuées au hasard ou aux milliards d’années qu’on attribue à l’univers.

En voici quelques exemples :

  • Une force de gravitation plus forte ne permettrait que la formation des étoiles massives ayant une vie beaucoup plus courte que le soleil. De ce fait la vie n’aurait pu se développer sur terre.
  • Une force électromagnétique plus faible ferait que les liens entre les électrons et les noyaux seraient moins solides, ce qui empêcherait la chimie de la vie.
  • Une interaction nucléaire forte moins intense ferait que protons et neutrons ne pourraient s’assembler. Il n’y aurait pas d’élément plus lourd que l’hydrogène, donc pas de vie (l’hydrogène est l’élément chimique le plus simple avec l’atome le plus léger).
  • Une interaction nucléaire faible plus faible ferait que les neutrons ne se désintégreraient pas et que l’univers serait rempli d’hélium. L’hydrogène indispensable à la vie serait absent.

On peut donc à juste titre se poser la question suivante : « Pourquoi les constantes de notre univers sont-elles si bien réglées qu’elles ont pu amener l’émergence de la vie intelligente… ? Il semblerait que notre univers a exactement les propriétés requises pour que l’homme – ou plus généralement la vie – puisse apparaître. »3Podcastscience.fm : https://www.podcastscience.fm/dossiers/2011/01/06/dossier-les-constantes-fondamentales-de-lunivers/

L’univers possède les propriétés nécessaires à l’apparition de la vie, et telle semble être sa raison d’être (voyez plus loin le principe anthropique). Dit autrement, c’est notre existence qui a posteriori fait que notre univers et ses lois doivent être de la manière qu’ils sont.

Les constantes aux origines de l’univers et de la vie sur terre confirment le premier verset de la Bible qui fait dépendre l’existence de l’univers d’une action de Dieu. Bien entendu, le texte biblique qui évoque le « commencement » de la création (Genèse 1.1) ne constitue pas un énoncé scientifique, lequel reste de toute manière du domaine de la spéculation et ne peut sans doute pas être parfaitement décrit dans toute sa complexité par le simple mot « commencement ».

L’expérience de Stanley Miller

En mai 1953 Stanley Miller fit une expérience très intéressante. Les résultats de cette expérience furent immédiatement interprétés par la presse comme la création de la vie par le hasard. Enfin la théorie que la vie pouvait survenir par hasard venait d’être prouvée.

Par définition le hasard est ce qui est non délibéré, ce qui est domaine des « circonstances ». Était-ce le cas pour cette expérience ? Le docteur Miller, dans cette expérience, fit la synthèse d’un acide aminé. Il fit la synthèse d’une matière organique à partir d’éléments chimiques non organiques. Il dut faire de nombreux calculs pour obtenir le résultat désiré et utiliser un certain nombre d’appareils de laboratoire. Peut-on classifier le résultat comme « non délibéré » et circonstanciel ? Peut-on dire que « la vie » fut créée par le hasard ?

Que peut-on conclure de cette expérience ?

1.- On peut obtenir une matière organique à partir d’éléments non organiques.

2.- Il faut une intelligence, des calculs complexes et délibérés, des instruments de laboratoire pour obtenir la synthèse d’un acide aminé.4Les acides aminés jouent un rôle crucial dans la structure, le métabolisme et la physiologie des cellules de tous les êtres vivants connus ; les protéines de tous les êtres vivants connus ne sont constituées – à quelques exceptions près – que de 22 acides aminés différents. Pourtant, une cellule beaucoup plus complexe ou l’être humain (qui réfléchit) seraient le produit du hasard.

3.- Rien ne fut véritablement « créé », car le savant dut utiliser des éléments de la nature qui existaient déjà et sans lesquels il n’aurait pas pu mener à bien son expérience. Ce que nous voulons voir, c’est un savant qui puisse faire apparaître la vie sans rien, sans laboratoire, sans calcul, sans matière première : c’est cela que la Bible entend par création dans Genèse 1.1 (le mot hébreu qui est utilisé veut dire « créer à partir de rien », ex nihilo – « rien » que nous connaissions par nos sens ou par l’expérience que nous avons du monde et de la vie, mais non pas « rien » d’une manière absolue, puisque Dieu est déjà là au moment de la création).

4.- Le résultat de cette expérience ne peut certainement pas être appelé un « être vivant ».

Rémy Chauvin

« Il nous faut maintenant exorciser le spectre du Hasard. Car au fond de tous nos désespoirs contemporains se niche l’idée que ce monde serait né par hasard, qu’il aurait pu être tout autre, et que la vie n’a pas de sens. Tel est le fond de l’attitude nihiliste de Monod, et de tant d’autres. Heureusement, je l’ai dit, la science apporte à l’homme un point de vue critique sur le monde, elle a le pouvoir de chambouler bien des positions métaphysiques et des idées reçues. Or, cette attitude de doute radical, de nihilisme bien élevé, apanage des esprits raisonnables et posés, ne résiste pas à l’épreuve des faits. Le recours au hasard est une solution facile, une réponse trop rapide à une question mal posée. Cela se veut matérialiste, rationaliste, réaliste, mais s’il s’agit finalement de sortir de son chapeau un concept comme le hasard, qui possède tous les atouts de la métaphysique, sauf le nom, à quoi bon rester sur ce terrain ? Je m’en tiendrai aux faits. »5Rémy Chauvin, Dieu des fourmis, Dieu des étoiles. Éditions le Pré aux Clercs, 1988.

Charles-Eugene Guye

Pensons encore aux implications de la théorie de l’univers créé par le hasard. Dans le domaine scientifique, une telle théorie tient plus de l’absurde que d’autre chose. La science a découvert une molécule de base de la vie, l’ADN (l’acide désoxyribonucléique). L’ADN est une molécule très complexe en elle-même, sans laquelle il n’y aurait pas de vie. L’ADN a beaucoup à voir avec la constitution et même la constitution génétique de chaque être vivant.

C’est une molécule qui contient plus de 40 000 atomes. L’ADN est complexe, mais elle est elle-même constituée d’autres éléments très complexes. Un de ces éléments est la protéine. Cette protéine doit ensuite se combiner avec bien d’autres constituants pour former l’ADN qui est, elle-même, la molécule de base essentielle à toute vie. Ceci est très révélateur pour ce qui est de l’apparition de la vie sur la terre. Beaucoup estiment que la terre est vieille de plus de 5 milliards d’années. Même si cela était vrai, ce n’est pas là un temps suffisant pour qu’un ADN soit créé par « hasard ». Ainsi en témoignent de nombreux savants. La probabilité que ces cinq éléments (carbone, hydrogène, nitrogène, oxygène, soufre) puissent se réunir pour former une molécule, la quantité de matière qui doit être continuellement agitée, et le temps nécessaire pour finir la tâche peuvent tous être calculés. Charles-Eugène Guye, mathématicien suisse, a fait le calcul et a découvert que les probabilités qu’une seule molécule puisse se former ainsi d’une manière spontanée est de 10 puissance 160 contre 1 – ou seulement une chance sur 10 puissance 160 (c’est-à-dire 10 multiplié par lui-même 160 fois) : un chiffre bien trop important pour être exprimé par des mots. La quantité de matière que l’on devrait agiter pour produire une seule molécule de protéine serait des millions de fois plus importante que celle contenue dans tout l’univers. Pour que cela se produise sur la terre uniquement exigerait de nombreux milliards d’années, en fait un nombre pratiquement infini.6Frank Allen, « The Origin of the World by Chance or Design ? » The Evidence of God in an Expanding Universe, de John Clover Monsma, p. 23.

Fred Hoyle

Ce fut aussi le point de vue de l’astronome Fred Hoyle (1915-2001), qu’il exposa dans son livre The Intelligent Universe, publié en 1983, et où il écrit qu’il n’y a

« … aucune chance qu’une sélection par le hasard ait pu produire et organiser les 2 000 enzymes nécessaires à la vie ; le calcul mathématique donnant une probabilité de l’ordre de 1 sur 10 puissance quarante mille ».

Alexandre Oparine

Alexandre Oparine, savant russe, s’exprime ainsi :

« Faire allusion au coup de chance, qui parmi des billions et des quadrillons de combinaisons, a pu former par hasard justement cette séquence indispensable qu’exige la synthèse des protéines est “irrationnel”. La structure de ces protéines est non seulement très compliquée, mais elle est aussi extrêmement bien adaptée à l’accomplissement des fonctions catalytiques définitives qui jouent un rôle important dans la vie de l’organisme tout entier ; cette structure est strictement conçue dans ce but, pour cela. Une telle adaptation à sa fonction biologique, une telle structure conforme à son but caractérisent aussi les acides nucléiques des organismes actuels, et qu’elles soient apparues par hasard est aussi impossible que l’assemblage par hasard, à partir de ces éléments, d’une usine capable de sortir n’importe quel produit particulier. »7Alexandre Oparine, Masson Ed. 1965, « L’origine de la vie sur la terre », p. 2.

Alfred Kastler

Le physicien Alfred Kastler est d’accord avec cela. Lorsque la question lui est posée, il cite le scientifique François Jacob à l’appui de son argument :

« Que l’évolution soit due exclusivement à une succession de microévénements, à des mutations survenant chacune au hasard, le temps et l’arithmétique s’y opposent. Pour extraire une roulette, coup par coup, sous-unité par sous-unité, chacune des quelque cent mille chaînes protéiques qui peuvent composer le corps d’un mammifère, il faut un temps qui excède, et de loin, la durée allouée au système solaire… »8C. Chabanis « Dieu existe-t-il ? Non » p. 20. Voir F. Jacob « La Logique du vivant » p. 329.

L’idée d’un créateur n’est pas étrangère au grand physicien qu’est Alfred Kastler. Il dit de cette idée : « Elle ne m’est pas étrangère parce que je ne peux pas, et personne ne peut comprendre l’univers sans une finalité. » C’est là le point de vue d’un grand scientifique qui confirme que l’idée d’un créateur n’est pas une idée absurde en soi.

Kastler dit aussi :

« Le seul but que se proposent les savants n’est pas d’expliquer les phénomènes, de répondre à la question pourquoi mais simplement à la question comment. Le savant se borne à décrire ce qui se passe. » (Alfred Kastler. Ibid. p. 22)

Louis Pasteur

Louis Pasteur affirmait déjà que la génération (l’apparition) spontanée de la vie sur terre est une impossibilité : Le 7 avril 1864 Louis Pasteur présente le résultat de plusieurs années de recherche lors d’une conférence à la Sorbonne. Il démontre alors la fausseté de la théorie de génération spontanée. Celle-ci consistait à penser que certains êtres vivants, dont les micro-organismes étudiés par Pasteur, naissaient de manière spontanée, simplement par l’alliance de facteurs externes et sans aucun recours à d’autres substances organiques. Or, en présentant ses travaux, Pasteur démontre que ces organismes sont issus de germes déjà existants.9http://www.linternaute.com/histoire/jour/evenement/7/4/1/a/54306/pasteur_s_oppose_a_la_generation_spontanee.shtml

Le philosophe Antony Flew

Le célèbre philosophe anglais Antony Flew (1923-2010) explique dans son livre There is a God : How the Most Notorious Atheist Changed His Mind (Il y a un Dieu : comment l’athée le plus célèbre changea d’avis) que c’est la science qui l’a finalement conduit à changer d’avis et à postuler l’existence de Dieu. Flew cite George Wald, titulaire du prix Nobel de médecine en 1967, lorsqu’il répond à la question des origines de la vie : « Face à cette question nous choisissons de croire l’impossible : que la vie est apparue par hasard et de façon spontanée. »

Le professeur Flew explique qu’il fut amené à croire en l’existence d’une intelligence suprême à l’origine de la vie en étudiant de près les mécanismes d’information au cœur du code génétique10Antony Flew, There is a God, Ed. New York, Harper Collins, 2007, p. 131. – code

« … reposant notamment sur la correspondance entre, d’une part, des triplets de nucléotides, appelés codons, sur l’ARN messager et, d’autre part, les acides aminés protéinogènes incorporés dans les protéines synthétisées lors de la phase de traduction de l’ARN messager par les ribosomes. »11https://fr.wikipedia.org/wiki/Code_génétique

Des mécanismes d’information et de « traduction » aussi complexes ne peuvent être que le produit d’une intelligence bien supérieure à tout ce que nous pouvons imaginer. Ainsi, l’affirmation biblique d’une création de l’univers et de la vie nécessitant une source intelligente ne va pas à l’encontre de la science ; bien au contraire, cette affirmation est confirmée par la science.

C. S. Lewis12 C. S. Lewis, professeur de littérature à Oxford et Cambridge, auteur et théologien (1889-1963).

C. S. Lewis souligne le fait que personne n’est en mesure de parler de l’existence ou de l’inexistence de Dieu en se fondant sur la raison humaine si cette raison humaine n’est que le produit du hasard :

« Supposons qu’il n’y ait pas une intelligence à l’œuvre derrière l’univers ; dans ce cas, personne n’a conçu mon cerveau dans le but de pouvoir raisonner. Ce que j’appelle “raisonnement” n’est que le produit d’un arrangement fortuit d’atomes à l’intérieur de mon crâne ; pour des raisons physiques ou chimiques ces atomes se sont organisées d’une certaine manière, ce qui me donne cette sensation que j’appelle “pensée”. Mais si tel est le cas, comment puis-je avoir confiance en la véracité de ma pensée ? Cela ressemblerait à secouer une bouteille de lait en espérant que le lait qui sortirait de la bouteille produirait une carte de Londres. Or si je ne peux pas avoir de certitude concernant ma propre pensée, je ne peux donc pas avoir de certitude quant aux arguments qui conduisent à l’athéisme ; ainsi, je n’ai aucune raison pour être athée ou quoi que ce soit d’autre. À moins de croire en Dieu, je ne peux pas croire en la raison ; donc je ne peux jamais faire appel à la raison pour ne pas croire en Dieu. »13C. S. Lewis, The Case for Christianity, p. 32. (Traduit de l’anglais par Yann Opsitch.)

Albert Camus

L’écrivain français Albert Camus met le doigt sur la question qu’évoquait Lewis, lorsqu’il dit ceci :

« Je ne suis pas un philosophe. Je ne crois pas assez à la raison pour croire à un système. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment on peut se conduire quand on ne croit ni en Dieu ni en la raison. »14Interview au journal “Servir”, 1945.

Sans foi en Dieu et en la raison, la question de la conduite personnelle des êtres humains reste fondamentalement sans réponse ; elle reste une question qu’on ne cessera jamais de débattre sans vraiment arriver à conclure. En outre, sans un critère de comportement qui se situe plus haut que les critères établis par les êtres humains, on s’expose à l’arbitraire des opinions humaines ; on aboutit inévitablement à une « morale » totalitaire imposée par la force. C’est ce qui arrive dans tous les systèmes où l’on place des normes morales humaines comme étant supérieures à d’autres normes morales humaines.

Dans les années cinquante Albert Camus passa près d’une année à discuter avec le Dr Howard Mumma, pasteur méthodiste de l’Église américaine à Paris. Ces discussions sont rapportées dans le récit qu’en a laissé Mumma dans son ouvrage Albert Camus and the Minister (Paraclete Press, Massachussetts 2000). L’une des questions que l’écrivain français posa au pasteur américain fut celle-ci : « Dis-moi, Howard, est-ce que la Bible apporte un éclairage sur les problèmes du monde actuel ? » Mumma répondit par ces mots :

« La Bible dit que nous sommes membres les uns des autres et que si un membre souffre, les autres membres souffrent aussi. Je pense que cet enseignement biblique nous apprend que les nations ne devraient jamais s’engager dans des actes qui sont économiquement ou financièrement au détriment d’autrui, même si ces actes leur procurent un gain.

— Comme cela est vrai ! répondit Camus. »15Albert Camus and the Minister, Howard Mumma (Paraclete Press, 2000, p. 37).

Lors de ses entretiens avec le pasteur Mumma, Camus ne prend jamais de haut son interlocuteur ou le texte biblique. Il ne donne jamais l’impression que le texte biblique oblige le lecteur à sacrifier son intelligence ou sa réflexion personnelle. Il accepte le conseil de Mumma qui lui dit d’aborder les textes bibliques en tenant compte de la spécificité des genres littéraires qu’on trouve dans les soixante-six livres de la Bible (textes historiques, poèmes, hymnes, lettres, récits évangéliques, etc.).16Le Cœur et l’Invisible, Yann Opsitch, Ed. HC 2016.

Seconde hypothèse : l’univers et la vie sont l’œuvre de Dieu

Voyons-nous dans l’univers et dans la nature des phénomènes qui rendent vraisemblable l’idée d’un créateur intelligent ?

La dimension de la terre et sa masse

Si la terre n’avait pas la dimension et la masse qui lui sont propres, la vie sur terre serait impossible. Ce sont des facteurs essentiels qui permettent la gravité de se maintenir, et c’est de la gravité que dépend la stabilité atmosphérique autour de la terre. Cette atmosphère protège toutes les formes de vie des effets destructifs des rayons solaires ; cette atmosphère est aussi une protection indispensable contre les météores qui volent constamment dans l’univers.

Songeons au rôle important de l’atmosphère pour la protection de la vie sur terre contre les dangers de l’espace. Ajoutons que la gravité de la terre joue un rôle important sur des éléments chimiques indispensables à la vie des plantes et des animaux, et à leur métabolisme. La gravité garde ces éléments près de la surface de la terre, à la portée des animaux et des plantes.

L’inclinaison de la terre entre 23,8° et 24,6°

L’inclinaison de la terre est aussi très importante. Si cette inclinaison de la terre était différente, les régions polaires seraient inhabitables. Les conséquences seraient catastrophiques. Des vents très violents se précipiteraient de l’équateur aux régions polaires, et la vie, qui est tellement dépendante des saisons, ne pourrait plus compter sur les saisons… car il n’y aurait plus dans ce cas de saisons.

Les mers et les océans

75 % de la surface terrestre est couverte d’eau. Ceci rend possibles les cycles de la condensation des nuages et de la pluie qui sont indispensables à toute vie sur la terre. La construction moléculaire de l’eau (H2O) permet que l’eau gèle d’abord à la surface, ce qui permet à certaines plantes et à certains poissons de survivre pendant l’hiver. Ainsi, la vie ne pourrait se développer sur terre ou y subsister si toutes les conditions voulues n’étaient pas remplies.

Tous ces phénomènes montrent-ils que la terre fut créée par hasard ? Ou bien, indiquent-ils une qu’une intelligence fut à l’œuvre dans le processus de création ? Et nous n’avons pas mentionné d’autres merveilles de la nature comme la reproduction des abeilles, les cycles du carbone et du phosphore, le métabolisme de l’homme et les lois de l’électricité, les merveilles de l’astronomie et tant d’autres choses qui montrent la nécessité d’une intelligence derrière la création.

La création et le principe anthropique

L’expression principe anthropique (du grec anthropos, homme) est apparue pour la première fois en 1973 dans les écrits de Brandon Carter, astrophysicien, lors d’un symposium scientifique qui s’est tenu à Cracovie.

Selon Carter, « bien que notre position dans l’univers ne soit pas nécessairement centrale, elle est inévitablement privilégiée dans une certaine mesure ».17Carter, B. (1974). « Large Number Coincidences and the Anthropic Principle in Cosmology ». IAU Symposium 63 : Confrontation of Cosmological Theories with Observational Data. Dordrecht : Reidel. pp. 291-298 ; republished in General Relativity and Gravitation (Nov. 2011), Vol. 43, Iss. 11, p. 3225-3233, with an introduction by George Ellis.

Carter a défini deux formes du principe anthropique, une forme « faible » qui se réfère uniquement à la sélection anthropique des lieux spatiaux privilégiés dans l’univers et une forme « forte » plus controversée qui porte sur les constantes fondamentales de la physique. La forme faible souligne le fait que des conditions précises existent qui permettent l’existence de la vie (intelligente) sur Terre. Brandon Carter et Robert Dicke ont fait appel à ce principe pour résoudre le problème des diverses relations numériques observées entre les constantes physiques (telles que la constante gravitationnelle, la masse du proton, l’âge de l’univers) ; un certain nombre de ces relations ne sont observées qu’à l’époque actuelle de l’histoire de la Terre.

En ce qui concerne la forme « forte » du principe anthropique, on peut rappeler les implications émises par le mathématicien John Barrow à propos des constantes qui permettent la vie sur terre et l’émergence de l’être humain. Selon le mathématicien, ces constantes n’ont aucune possibilité d’exister par le simple fait du hasard si l’on en calcule les probabilités.

Le concept de complexité irréductible

L’expression « complexité irréductible » a été introduite par le biochimiste Michael Behe dans son livre Darwin’s Black Box (1996). Il s’agit d’un système unique qui se compose de plusieurs éléments qui interagissent et contribuent aux fonctions de base ; l’élimination de l’un quelconque de ces éléments fait que le système cesse effectivement de fonctionner.

Le professeur Behe utilise l’analogie d’une souris d’ordinateur pour illustrer ce concept. Elle se compose de plusieurs pièces en interaction : la base, la prise, le ressort et le marteau, qui doivent être en place pour que la souris fonctionne. L’élimination d’un seul élément détruit la fonction de la souris. Les complexités irréductibles sont multiples et ont pu être observées à tous les niveaux de l’univers et de la vie sur terre. La sélection naturelle ne pourrait pas créer des systèmes irréductibles et complexes, car la fonction sélectionnable n’est présente que lorsque toutes les pièces sont assemblées. Behe mentionne les mécanismes biologiques irréductibles et complexes tels que la coagulation du sang et le système immunitaire.

Ranko Skoric rappelle aussi ce principe lorsqu’il écrit que « l’univers n’est pas assez vieux et ne possède pas suffisamment de matière disponible pour voir apparaître “par hasard” une seule cellule ».18Not by Chance ! Astronomy and God, Ranko Skoric, Ed. Patricia Salisbury. La probabilité qu’une seule cellule ait pu apparaître « par hasard » est de l’ordre sauvant :

Probabilité = 10121 / 10100 000 000 000 = 0

Ainsi, plus la science avance, plus elle met en avant une complexité et une organisation qui rend mathématiquement impossible l’apparition de l’univers ou de la vie par hasard, sans le concours d’une intelligence créatrice. L’idée de Dieu créateur de l’univers n’est donc pas absurde, mais concorde avec ce que nous constatons dans l’univers.

Dans son livre The Origin of Species, Charles Darwin émet des doutes sur la possibilité qu’un organe aussi complexe que l’œil humain ait pu évoluer. Il émet d’autres doutes semblables dans le chapitre 6 de son livre.19« The eye to this day gives me a cold shudder. To think the eye has evolved by natural selection, seems, I freely confess, absurd in the highest possible degree. » http://www.windowview.org/sci/pgs/09doubts.html Darwin pensait que des découvertes ultérieures à sa théorie prouveraient son exactitude. Or, cette complexité de l’œil n’est rien en comparaison de la complexité d’information au cœur du vivant – chose que Darwin ignorait et dont la découverte ne remonte qu’aux soixante dernières années avec les découvertes de James Watson et Francis Crick relatives à la structure de l’ADN et l’information génétique.

Les mathématiques et la puissance de la Parole divine (logos, Jean 1.1)

Derrière les mécanismes élémentaires qui semblent régir le monde observable, des réalités beaucoup plus complexes sont à l’œuvre au cœur du mystère de la vie et de notre existence.

Dans la Bible le livre des Proverbes atteste que c’est l’intelligence, la « science », de Dieu qui est à l’œuvre au cœur du mystère de la vie et de son origine :

« J’ai été établie [la sagesse, l’intelligence] depuis l’éternité, dès le début, avant même que la terre existe… Lorsqu’il a disposé le ciel, j’étais là [la sagesse, l’intelligence] ; lorsqu’il a tracé un cercle à la surface de l’abîme, lorsqu’il a placé les nuages en haut et que les sources de l’abîme ont jailli avec force, lorsqu’il a fixé une limite à la mer pour que l’eau n’en franchisse pas les bornes, lorsqu’il a tracé les fondations de la terre, j’étais [la sagesse, l’intelligence] à l’œuvre à ses côtés. » (Proverbes ch. 8)

Cette science ou sagesse de Dieu à l’origine de la vie est appelée parole ou verbe dans l’Évangile (du grec, logos qui signifie non seulement parole, mais aussi raison, science). Dans le processus de la création, le texte biblique fait chaque fois intervenir la parole divine (« Et Dieu dit… », Genèse 1.3) ; cette parole, comme pour la parole humaine, est l’expression d’une pensée, d’une intelligence. Par cette notion de « parole » à l’origine du cosmos et de la vie, le texte biblique veut souligner la science, l’intelligence, qui fut à l’origine du monde et de la vie. Lorsqu’on lit « Dieu dit » (Genèse chapitre 1), il faut imaginer à l’intérieur de cette évocation d’une parole celle d’une intelligence, voire des formules mathématiques complexes ou des concepts de la physique que nous n’avons découverts que récemment. Ainsi, Paul Dirac (1902-1982), prix Nobel de physique et mathématicien ainsi que pionnier de la mécanique quantique, disait que « Dieu a employé la beauté des mathématiques pour créer le monde ».

À cet égard le texte biblique est unique et diffère des mythes antiques qui postulent toujours l’existence de la matière, de l’univers, de la vie avant même la création du monde.

Mais dans la Bible il y a un commencement à l’univers, au monde. Il y a non pas une transformation de ce qui existait déjà, mais une « création » de ce qui n’existait pas (en Genèse 1.1, le verbe hébreu barah est traduit par « créa » en français ; ce verbe signifie « donner l’existence à partir de rien » ; en outre, le verbe barah est employé 18 fois dans l’Ancien Testament et s’applique toujours à Dieu).20 Le Cœur et l’Invisible, Yann Opsitch, Editions HC, 2013. pp. 106-107

Malgré le fait que l’univers soit en expansion – d’où la théorie du Big Bang qui implique un commencement à l’univers – on trouve, chez certains personnes, une résistance à l’idée d’un commencement à l’univers (Genèse 1.1). Par conséquent on postule aujourd’hui dans certaines milieux scientifiques que l’univers est, sera et a toujours été infini (selon cette théorie notre univers aurait déjà été infini au moment du Big Bang). C’est la théorie de l’inflation éternelle selon laquelle notre univers infini en expansion n’est en fait qu’une partie d’un multivers lui aussi infini et en inflation éternelle.

Il est vrai que bien des théories sont possibles à partir du moment où nous entrons dans le domaine de la physique quantique. En effet, la physique quantique dépasse de loin notre entendement, puisqu’elle n’a rien à voir avec la physique macroscopique (les notions de masse, de présence, d’état, de vitesse sont largement remises en cause à cette échelle). Mais tout cela ne contredit en rien le texte biblique qui postule un Dieu éternel et qui habite une lumière inaccessible : « Il est le seul à posséder l’immortalité, lui qui habite une lumière inaccessible et qu’aucun homme n’a vu ni ne peut voir » (1 Timothée 6.16).

Ainsi, le postulat de l’Écriture selon lequel Dieu est à l’origine de la création, qu’il est le créateur (Genèse 1.1) n’est ni absurde ni contraire à ce que nous savons du monde naturel dans lequel nous vivons et que nous observons. Mais cela ne signifie pas que les textes bibliques qui se réfèrent à la création sont des textes qui décrivent d’une manière scientifique ce qui « fut » ou ce qui s’est passé au moment de la création et par la suite, ou qui décrivent d’une manière scientifique l’ensemble des espèces animales et comment elles ont pu se transformer au cours du temps (comme je l’explique dans le chapitre qui traite de l’évolution, il faut distinguer entre la notion d’évolution des espèces et celle d’évolution darwinienne des espèces).

L’essentiel de ce que l’Écriture enseigne concernant la création a trait à la nature spirituelle et morale des êtres humains dans leur rapport avec Dieu et les uns avec les autres. En Genèse chapitre 1 l’homme et la femme sont d’une espèce distincte et créés à l’image du créateur, non pas pour des raisons scientifiques, mais pour des raisons spirituelles et morales. Le récit de la Genèse fait partie de la Torah, de la loi ; il constitue le fondement de l’anthropologie biblique non seulement sur le plan de l’individu, mais aussi et surtout sur le plan familial et social. Les êtres humains devront se rappeler qu’ils ont une responsabilité morale les uns envers les autres et envers Dieu. Ils devront comprendre qu’en voulant être « comme Dieu », ils ne feront que devenir des instruments du mensonge et de la mort. Ils devront se souvenir qu’ils ont une responsabilité dans leur rapport à la création, qu’il s’agisse du monde animal ou végétal. Tout cela, et bien plus, constitue le message essentiel des trois premiers chapitres de la Genèse, et c’est ce message essentiel que soulignent les nombreuses références bibliques à la création.21Genèse 1.1 ; 1.26 ; Ésaïe 37.16 ; 40.26 ; Jérémie 10.12 ; 32.17 ; Matthieu 19.4-6 ; Jean 1.1-3 ; Colossiens 1.16 ; Hébreux 11.3 ; Romains 1.20 ; 8.19-22 ; 1 Timothée 4.4 ; Psaume 90.2 ; 2 Pierre 3.5 ; Apocalypse 4.11.

La création et le surnaturel

J’aborde au chapitre quatre la question de l’évolution des espèces animales et végétales et les notions darwiniennes d’une apparition spontanée de formes de vie rudimentaires (lesquelles sont en fin de compte beaucoup plus complexes que Darwin pouvait imaginer) puis l’hypothèse d’un développement de nouvelles espèces à partir de ces espèces vivantes rudimentaires par un processus de multiplication et de variation, permettant aux espèces plus résistantes de survivre et aux moins résistantes de disparaître.22 “One general law, leading to the advancement of all organic beings, namely, multiply, vary, let the strongest live and the weakest die.” Charles Darwin, The Origin of Species. Cette vision de l’origine de la vie des espèces animales implique en outre que l’origine de la vie puis des êtres humains remonterait à des millions d’années sur une terre dont on estime à présent l’origine à plusieurs milliards d’années.

Pour le croyant le problème fondamental avec cette explication darwinienne de l’origine du monde puis de la vie se situe au niveau de la vision biblique de l’acte initial de création du monde puis des espèces animales et végétales et finalement d’Adam et Ève (que le texte biblique considère comme les véritables ancêtres du genre humain). En effet, la conception biblique de la création est fondamentalement une vision « transcendante » ou surnaturelle. Professeur de physique et chercheur de l’université de Toronto, Hugh Ross rappelle le principe important de la transcendance dans la création initiale de l’univers et de la vie sur terre :

« Tous les scientifiques qui ont parlé du “Big Bang” n’ont fait que confirmer ce qu’attestaient déjà voici 2500 ans des individus tels que Job, Moïse, David, Ésaïe, Jérémie et bien d’autres dont fait mention le texte biblique. Les prophètes et les apôtres de la Bible parlent explicitement et d’une manière répétée des deux notions clés du “big bang” : une origine cosmique transcendante à un moment précis et un univers en expansion depuis son origine. »23Dr. Hugh Ross, The Creator and the Cosmos p. 2. RTB Press. Covina, CA 2018.

Ainsi, par exemple, ces deux propriétés du cosmos sont évoquées par le prophète Ésaïe : « Voici ce que dit l’Éternel, le Dieu qui a créé le ciel et l’a déployé, qui a disposé la terre et tout ce qu’elle produit »24« Le ciel » est au pluriel en hébreu (les cieux) et décrit le cosmos dès les origines de la création en Genèse 1.1 (Ésaïe 42.5).

Les multiples textes bibliques qui se rapportent à la création le font pour souligner que Dieu est Tout-Puissant, la source transcendante (Dieu transcende, est au-delà de la réalité matérielle) de la vie.25Ésaïe 40.28 ; Jérémie 32.17 ; Ps. 33.6 ; 90.2 ; Ps. 121.1, 2 ; Romains 1.20 ; 11.36. En qui concerne l’origine de l’univers et de la vie, la science cherche des explications naturelles, vérifiables empiriquement (ce qui est sa vocation). Par contre, le texte biblique présente la création du monde et de la vie, et en particulier l’apparition de l’être humain, comme un événement transcendant (d’origine surnaturelle et non pas « naturelle ») ayant sa source en Dieu et qui sert de fondation pour une vie de foi, de confiance en Dieu :

« Or, la foi, c’est la ferme assurance des choses qu’on espère, la démonstration de celles qu’on ne voit pas… Par la foi nous comprenons que l’univers a été formé par la parole de Dieu, de sorte que le monde visible n’a pas été fait à partir de choses visibles. » (Hébreux 11.1, 3)26Ajoutons que le texte biblique met en parallèle la création initiale de l’univers et la nouvelle création promise par Dieu dans l’avenir. Cette dernière aura lieu tout aussi soudainement au retour du Christ et non sur une période de milliers ou de millions d’années (Hébreux 1.10-12 ; 2 Pierre 3.10-13).

C’est la vocation de la science de chercher à expliquer d’une manière empirique l’origine de l’univers et de la vie. Ce faisant, la science émet des hypothèses qu’elle s’efforce de vérifier empiriquement. La science peut constater par exemple les lois fondamentales de l’univers ou de la vie biologique ; elle peut constater la complexité ou la nature de ces lois, mais peut-elle expliquer l’origine même de l’univers et de la vie ? Peut-elle vérifier par l’expérimentation des événements qui sont de l’ordre de la transcendance ? Que dirait un médecin qui constaterait que Lazare est en bonne santé après sa résurrection ? Ce médecin pourrait constater la bonne santé de Lazare, mais il ne pourrait expliquer sa résurrection (Jean ch. 11). De même en ce qui concerne les lépreux guéris par Jésus, le médecin pourrait constater leur état de santé, mais ne pourrait expliquer la guérison soudaine de ces lépreux (Luc ch. 17). En effet cette résurrection et ces guérisons sont de l’ordre de la transcendance du Dieu tout-puissant pour qui rien n’est impossible. Rappelons-nous des paroles de Jésus : « Aux hommes cela est impossible, mais non à Dieu, car tout est possible à Dieu » (Marc 10.2) ou encore des paroles de l’ange à Marie lorsqu’il vient lui annoncer qu’elle aurait un enfant alors qu’elle était vierge : « En effet, rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1.37).

En lisant ceci, certains diront que la science ne peut pas expliquer cette naissance miraculeuse de Jésus, et donc cette naissance n’a pas eu lieu de la manière attestée par l’Évangile. Lorsqu’on exige d’avoir une explication scientifique ou naturelle quant à la création du monde ou quand Jésus nourrit cinq mille personnes avec quelques poissons et quelques pains, on est tout simplement en train de nier que Dieu ait pu créer tout un univers à partir de rien ou qu’il fut capable de multiplier quelques pains pour en nourrir des milliers de personnes. Le miraculeux (ou la transcendance) n’ayant pas d’explication scientifique, cette vision du rôle de la science conduit certains à affirmer catégoriquement que Dieu n’existe pas ou que le témoignage biblique n’est pas fiable. Cette attitude me fait penser à celle des philosophes d’Athènes qui, lorsqu’ils entendent parler de la résurrection de Jésus d’entre les morts, « se moquèrent » de Paul (Actes 17.32).

En parlant du Big Bang (l’expression décrit d’une manière populaire le début supposé de l’univers, mais bien des scientifiques récusent l’expression « big bang » qui signifie « grande explosion »), le professeur Ross de l’université de Toronto souligne qu’avec le récit biblique de la création on se trouve face à la question de la transcendance. Selon le « big bang », l’univers tel que nous le connaissons avec ses milliards de galaxies et de corps célestes s’est constitué soudainement et à une telle vitesse que nous ne pouvons en parler qu’en trillions de secondes (un trillion est égal à un million à la puissance trois).27Un trillion est un milliard de milliards (109 × 109), soit 10 puissance 18 (en notation scientifique, 1018), c’est-à-dire 1 000 000 000 000 000 000, ou encore un million de millions de millions (106 × 106 × 106). Un trillion est ainsi égal à un million à la puissance trois, d’où le terme, formé sur tri- et million. Le préfixe correspondant à ce nombre dans le Système international d’unités (SI) est « exa ». Dans l’échelle longue, mille trillions (103 × 1018) est égal à un trilliard (1021). Wikipédia. Lorsqu’on observe les galaxies qui s’éloignent rapidement les unes des autres, on a l’impression que cet univers est là depuis des milliards d’années. Or ces calculs supposent une uniformité des phénomènes naturels à travers le temps et ne tiennent pas compte de la relativité du temps et de la rapidité initiale de l’apparition et de l’expansion de l’univers.28Comme en géologie, de tels calculs supposent une « uniformité » des lois de la nature ou de la physique qui est démentie lorsqu’on aborde le macrocosme ou le microcosme ou lorsqu’on veut comprendre ce qui a pu se passer aux origines du monde.

En tant qu’observateurs humains, nous parlons de millions ou de milliards d’années à propos d’un univers dans lequel le temps est « relatif » à bien des égards. La physique quantique suggère même que la notion de temps est relative par rapport à l’observateur humain que nous sommes. Or, cette notion peut être rapprochée de celle de transcendance aux origines de l’univers. Cet aspect de la « relativité » du temps fut même mis en avant par Einstein pour qui « le temps est relatif par rapport à l’observateur humain ».29“In his papers on relativity, Einstein showed that time was relative to the observer.” Dr. Robert Lanza, https://www.wired.com/2016/09/arrow-of-time/ (15/05/18). Robert Lanza développe cette idée dans son hypothèse qu’il appelle « biocentrisme » sur le rôle de la conscience humaine dans la perception de l’univers. Oui pour Dieu un milliard d’années ne représentent rien puisqu’il transcende le temps – n’ayant ni commencement ni fin (Ps. 90.1, 2 ; Ésaïe 57.15 ; 1 Timothée 1.17) : « Aux yeux du Seigneur un jour est comme 1000 ans et 1000 ans sont comme un jour » (2 Pierre 3.8). Ainsi, puisqu’il transcende le temps, Dieu aurait pu créer l’univers voici quatorze ou quinze milliards d’années. Mais il aurait pu tout aussi bien créer l’univers en une fraction de seconde et que cet univers donne l’impression d’être vieux de plusieurs milliards d’années. Puisqu’il transcende le temps, Dieu aurait pu créer une vie rudimentaire qui se serait transformée sur des millions d’années pour donner lieu à un être qui ressemble à l’être humain d’aujourd’hui. Mais il aurait pu créer le premier homme à partir du sol d’une manière transcendante, surnaturelle.

Reconnaissons que la frontière entre la transcendance et le monde naturel n’est pas nécessairement facile à délimiter ; le créateur et sa création ne sont pas éloignés sur un plan physique ou matériel : « Il a voulu qu’ils cherchent le Seigneur et qu’ils s’efforcent de le trouver en tâtonnant, bien qu’il ne soit pas loin de chacun de nous. En effet, c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17.27, 28). En Genèse chapitres 1 et 2 nous n’avons pas un récit de la création indépendant de l’histoire des êtres humains. La révélation divine place la création comme cadre général pour introduire l’histoire des hommes. Ainsi, dès les premiers chapitres de la Genèse, l’objectif de l’ensemble de la création est l’être humain. La création d’Adam et Ève est le couronnement de toute la création et non pas un élément fortuit ou sans grande signification par rapport à la création de l’univers ou de la vie (voir le principe anthropique). Cette insistance du texte biblique sur le côté unique de l’être humain a parfois été comprise comme une forme d’arrogance, comme une sorte d’orgueil humain qui ressortirait des récits bibliques. En fait, l’être humain est unique parce que lui seul est fait à l’image de Dieu et qu’il est appelé à avoir une relation unique – une relation d’amour – avec Dieu (Psaume 8). L’idée qu’il s’agit d’une sorte d’arrogance de la part des textes bibliques est démentie dès les premiers chapitres de la Genèse, où l’on constate à quel point l’être humain a trahi sa vocation et a agi d’une manière contraire à l’intention de Dieu. En outre, la notion biblique d’une place unique de la planète terre au sein du cosmos pourrait prêter à rire lorsqu’on constate l’immensité de l’univers, cependant cette notion se confirme peu à peu. Par exemple, en 1993 l’astronome George Wetherhill (1925-2006) fit une découverte stupéfiante concernant Jupiter et le système solaire. Si Jupiter se trouvait légèrement plus proche du soleil ou si cette planète était légèrement plus massive, sa gravité dérangerait suffisamment l’orbite terrestre au point qu’aucune forme de vie ne pourrait exister sur terre.30Dr. Hugh Ross, The Creator and the Cosmos, pages 210,211. RTB Press. Covina, CA 2018. Ainsi le professeur Ross mentionne au moins cent cinquante paramètres qui existent au niveau de notre galaxie, de la structure des planètes, du système solaire et de la terre et qui sont indispensables à la vie sur terre et à la présence des êtres humains.31Dr. Hugh Ross, The Creator and the Cosmos, pages 243-266. “Evidence for the Fine-Tuning of the Milky Way Galaxy, Solar System and Earth”. RTB Press. Covina, CA 2018. Ainsi, par exemple, Jupiter agit comme un bouclier qui protège la terre en particulier des comètes qui parcourent l’espace. Ross décrit les planètes du système solaire comme de « bons compagnons » de la terre sans lesquels il est impossible de concevoir la possibilité de l’existence humaine sur notre planète.

Conclusion

« Pour le scientifique qui toute sa vie a vécu dans la foi au pouvoir de la raison, tout semble se terminer comme un mauvais rêve. Il a escaladé puis est monté par-dessus les murs de l’ignorance, il est enfin à même d’atteindre les sommets les plus élevés ; le voilà qui se hisse au-dessus du dernier rocher pour être finalement accueilli par une bande de théologiens qui sont assis là depuis des siècles. » (Robert Jastrow)32Robert Jastrow (1925-2008). God and the Astronomers, W. W. Norton& Company N. Y. 2000.


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