Le Dieu de la création et de la révélation

Table des matières


Chapitre 3
Dieu

« S’il ne pensait qu’à lui-même, s’il reprenait son esprit et son souffle, toute créature expirerait d’un seul coup, et l’homme retournerait à la poussière. »
Job 34.14, 15

L’objection la plus commune au théisme biblique peut être exprimée ainsi : « Vous me dites que tout tend à montrer que Dieu existe, et que nul ne peut prouver qu’il n’existe pas. Pourtant, s’il existait, n’interviendrait-il pas d’une façon plus juste et évidente dans les affaires des hommes ? N’atténuerait-il pas leurs souffrances au maximum en utilisant au maximum son pouvoir ? Le fait qu’il n’intervienne pas n’est-il pas une évidence qu’il n’existe pas ? »

Face à cette objection, la première question à résoudre est donc celle-ci : « Qui est Dieu ? » Il faut noter par ailleurs que cette objection suppose l’existence de Dieu, puis consiste à porter un jugement sur ses actions « supposées ». L’athée croit que Dieu n’existe pas ; il essaie donc de juger les actions d’un être qui, à ses yeux, n’existe pas. Il nous faut définir Dieu, et c’est seulement en fonction de cette définition que nous pourrons constater si l’existence de Dieu est oui ou non cohérente avec les faits.

Comment définirons-nous Dieu ? Est-il une force impersonnelle, incapable de sentiment et de volonté ? Est-il un Être suprême capable se sentiment et de volonté ? Si Dieu est une force suprême, impersonnelle, incapable de sentiment et de volonté, il est inutile d’essayer de parler se « justice » ou « d’amour » ou de vouloir juger les actions de Dieu. Tout ce qui arrive, dans ce cas, est purement mécanique ; les souffrances de l’humanité ne peuvent pas être mises au compte d’une force incapable de sentiment et de volonté.

Si Dieu est un Être suprême, capable de sentiment et de volonté, comment pouvons-nous, avec raison, faire une telle critique de ses actions, de son caractère ? Quel Être suprême nous permettons-nous de juger ainsi ? Comment pourrait-il se tromper ?

Voici les différents arguments employés pour mettre en doute le caractère de Dieu.

  1. Nier l’intégrité des témoignages bibliques.
  2. Montrer que la Bible elle-même contredit ces témoignages.
  3. Montrer que le caractère de Dieu et la réalité historique d’hier et d’aujourd’hui se contredisent.

Il s’agit de montrer qu’il existerait des contradictions entre le caractère de Dieu et son action dans l’histoire. Pour mener à bien une telle critique, il faut déjà connaître du mieux possible trois éléments clés :

  1. Connaître les aspects du caractère de Dieu tels qu’ils sont montrés dans la Bible.
  2. Pouvoir déterminer « à coup sûr » quand Dieu agit dans l’histoire, ou quand il n’agit pas directement.
  3. Connaître parfaitement les plans de Dieu tels qu’ils nous sont révélés dans les Écritures.

Chacun de ces points doit être considéré, car il s’agit bien du Dieu de la Bible qui est « en jugement ». S’il s’agit d’un tout autre « dieu », d’un dieu que nous essayons de définir par nous-mêmes, sans l’aide d’une révélation, alors nous « jugeons » ce « dieu » d’une façon purement subjective. Dans ce cas, tout ce que nous pourrions conclure ne serait que vaine spéculation.

Venons-en aux arguments cités plus haut. Pouvons-nous connaître tous les aspects du caractère de Dieu ? Nous pouvons en connaître ce que la révélation du Dieu nous en dit, mais pas plus.

La Bible révèle ce que nous avons besoin de connaître pour pouvoir agir par la foi (2 Tim. 3.16sv ; Rom. 10.17). C’est seulement dans sa présence que nous connaîtrons Dieu parfaitement. Cependant, nous avons dans la personne du Christ une démonstration vivante de ce qu’est le caractère de Dieu (Jean 14.9-11 ; Héb. 1.1, 2). Jésus-Christ confirme et authentifie ce que Dieu avait déjà dit de Lui-même. Ainsi en est-il de la création, elle confirme, authentifie que Dieu est le Créateur, et que c’est donc Lui qu’il faut adorer (Rom. 1.19, 25).

Dieu est le seul vrai Dieu : Ex. 15.11, 18.11 ; Deut. 10.14-17 ; 1 Chr. 16.25 ; Ps. 95.3, 97.9 ; Jér. 2.11, 5.7, 16.20 ; Deut. 5.7 ; Ex. 20.3, 20.4, 23, 34.17 ; Lév. 19.4 ; Ex. 23.13 ; Jos. 23.7 ; Ex. 23.32 ; Deut. 6.14, 7.4, 25, 11.28, 28.14, 29.17 ; Deut. 12.31, 20.18 ; Ézé. 7.20 ; 1 Sam. 7.3 ; Jug. 10.16. Dans tous ces passages Dieu déclare qu’Il est unique et qu’Il veut être adoré comme tel.

Dieu n’est pas un Dieu physique, mais il est spirituel : Jean 4.24 ; Deut. 4.15, 16, 19 ; Ps. 147.5 ; Ésa. 40.25, 26.

Dieu a une personnalité, une intelligence, une volonté, et il est conscient : Ex. 3.14 ; 1 Cor. 2.11 ; Éph. 1.9, 11.

Dieu est un être que nous pouvons aimer et adorer. Nul n’a de contrôle sur lui (Jean 5.26). Nul ne lui est comparable (Ex. 15.11).

L’importance des noms attribués à Dieu

Dieu est une personne, et c’est pour cela qu’il a des noms. Le plus courant de ces noms est YHWH – prononcé Jéhovah ou Yahvé (ce nom est formé en hébreu à partir du verbe « être » : Ex. 3.14, 15) – « Je suis celui qui suis » ou « je serai celui qui sera ». Ce nom montre l’éternelle existence de Dieu mais aussi sa constance. Ce nom est donc important, mais rien ne permet de dire qu’il doit être exclusivement employé pour désigner Dieu. En fait, les textes bibliques désignent Dieu à l’aide de différents noms. C’est vrai aussi pour le Messie qui est appelé par divers noms : « On l’appellera merveilleux Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix » (Ésaïe 9.5).1On a pu répertorier 150 noms pour désigner Jésus ! 1 Jean 2.1, 2 ; Jean 1.29 ; 1 Pierre 2.25 ; Actes 10.42 ; 1 Timothée 6.15 ; Ésaïe 53.3 ; Apocalypse 3.14.

Les noms de Dieu

Les autres noms qui ont été donnés par Dieu lui-même et autorisés par lui pour le désigner ou s’adresser à lui montrent les aspects variés de son caractère et de ses attributs :

El : ce nom souligne la force, la puissance de Dieu. On le trouve dans 232 versets (Gen 14.18 ; 17.1 ; Nom. 24.16).

Élohim : ce nom ne fait qu’accentuer le sens du mot El. Élohim est un nom au pluriel et montre d’une part la multiplicité des aspects de la puissance de Dieu et l’excellence de cette puissance. C’est le nom qui est employé, par exemple, dans le récit de la création (Gen. 1.1). Ce nom suggère aussi la plénitude de la « divinité » (« divinité » plutôt que « trinité ») en trois personnes, telle qu’elle nous est décrite à travers les Écritures (Col. 2.9). Élohim est utilisé environ 2 500 fois dans l’Ancien Testament. C’est le nom qui est associé à son œuvre de création décrite au pluriel en Genèse : « Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance » (Gen. 1.26).

El-Elijon : le Dieu Très-Haut (Gen. 14.18). Ce nom souligne le fait que Dieu est le seul qui mérite notre adoration. Ce nom montre aussi les prérogatives de Dieu comme unique propriétaire de tout ce qui existe, a existé, ou existera. Ainsi, le Dieu Très-Haut peut distribuer comme Il l’entend les biens de cette terre (Deut. 32.8).

El-Haï : ce nom parle du Dieu « vivant » (Psaume 42.9).

El-Shaddaï, le Dieu Tout-Puissant (Gen. 17.1). Ce nom est employé pour parler de celui qui communique Sa force, Son énergie. Dans ce nom, il y a l’idée de Dieu « qui satisfait tous nos besoins », qui nous enrichit et nous fructifie (Gen. 28.3, 4 ; Jean 15.2 ; Héb. 12.10).

El-Olam : Le Dieu éternel (Gen. 21.33). C’est le Dieu qui n’a ni commencement ni fin. « D’éternité en éternité, tu es Dieu » (Ps. 90.2).

Autres noms composés qui servent à désigner Dieu

YHWH-Jiré : « l’Éternel pourvoira » (Gen. 22.14).

YHWH-Elohim : « l’Éternel Dieu » (Gen. 2.5, 8, 15, 16) ; en hébreu ce nom composé souligne le rapport de l’homme avec celui qui est son créateur (Élohim), et le rapport d’Israël avec celui qui est son rédempteur (Gen. 2.16, 17-24 ; 3.8-19, 21 ; 24.7 ; 28.13).

YHWH-Rapha : « l’Éternel qui te guérit » (Ex. 15.26). La guérison physique et la guérison morale peuvent toutes deux être appliquées à ce nom.

YHWH-Nissi : « l’Éternel, ma bannière » (Ex. 17.8-15). C’est Dieu qui en cette circonstance fut victorieux des Amalécites.

YHWH-Shallum : « l’Éternel paix » (Jug. 6.24). Voir Éph. 2.4 ; Col. 1.20.

YHWH-Raah : « l’Éternel est mon berger » (Ps. 23.1). Il est le berger qui donne Sa vie pour ses brebis (Ps. 22 et Jn. 10.11).

YHWH-Tsidkenu : « l’Éternel notre justice » (Jér. 23.6) – c’est le nom qui sera aussi donné au Messie, « le germe de David » (Jér. 23.5).

YHWH-Sabaoth : « l’Éternel des armées » (1 Sam. 1.3 ; Ps. 24.10, etc.) Ce nom souligne que Dieu est le maître des armées. Les hommes se battent, mais Dieu décide des combats. Nul n’a la victoire si Dieu n’y consent. Nul n’est vaincu si Dieu n’y consent.

YHWH-Shammah : « l’Éternel est ici » (Ézé. 48.35). Dieu est toujours parmi les siens (Ps. 16.10 ; 46.8 ; Mat. 28.20 ; Héb. 13.5).

Adonaï-YHWH : « l’Éternel Dieu » (Gen. 3.1). Ce nom englobe des sens variés. Adonaï veut dire « maître », et c’est en cette qualité que Dieu demande notre obéissance. Il est le maître de tous les hommes(Jos. 7.8-11 ; Jean 13.13).

« Père ». Ce nom souligne la relation intime entre Dieu et Israël (Deut. 32.6 ; Ésa 63.16), et entre Dieu et ceux qu’Il a rachetés par le sang de son Fils (Mat. 6.9 ; 1 Cor. 8.6 ; Éph. 3.14).

Les textes parlent souvent du nom de Dieu au singulier, mais cela ne signifie pas qu’on ne puisse appeler Dieu que par un seul nom. L’expression biblique « nom » désigne la personnalité, le caractère, le rang ou les qualités d’une personne ; connaître le nom d’une personne, c’est la connaître personnellement, d’une manière intime. Il en est ainsi de la connaissance du nom de Dieu : « L’Éternel est un refuge pour l’opprimé, un refuge au temps de la détresse. Ceux qui connaissent ton nom se confient en toi » (Psaume 9.10, 11). Ceux qui connaissent son « nom » sont ceux qui le connaissent personnellement, sont ceux qui connaissent sa personne, ses qualités et qui mettent leur confiance en lui, en son « nom ».

« Le nom de l’Éternel est une tour forte ;
Le juste s’y réfugie et se trouve en sûreté. »
(Proverbes 18.10)

La Bible révèle les attributs de Dieu

Dans les écrits bibliques, nous pouvons distinguer trois catégories d’attributs divins :

  1. Les attributs qui appartiennent à Dieu en tant qu’Être absolu qui n’a besoin d’aucune autre cause que lui-même pour exister.
  2. Les attributs qui appartiennent à Dieu de par Sa relation avec Ses créatures.
  3. Les attributs qui appartiennent à Dieu en tant que juge ou maître d’un univers où se trouvent des êtres moraux.

Les attributs de Dieu en tant qu’Être absolu

L’immensité de Dieu – « Mais quoi ! Dieu habiterait-il véritablement avec l’homme sur la terre ? Voici les cieux, et les cieux des cieux ne peuvent te contenir » (2 Chr. 6.18).

Dieu remplit tout l’univers. L’univers n’est qu’une infime extension de Dieu. Si Dieu était comparé à un cercle, le centre de ce cercle serait partout, et la circonférence nulle part.

L’existence éternelle de Dieu – Il est « l’Éternel, Dieu de l’éternité » (Gen. 21.33). Yahvé veut dire « celui qui est » (Ex. 3.14). Il n’y a de passé et de futur que pour l’homme (cf. Ps. 90.2 ; 102.25). Dieu est le seul à avoir ni commencement ni fin. « L’éternité » Lui appartient vraiment. Cet attribut est aussi donné à Jésus dans l’Apocalypse (Psaume 102.12 ; 145.10-13 ; Apo. 21.6 ; 22.13). « Au roi des siècles, immortel, invisible, seul Dieu, soient honneur et gloire, aux siècles des siècles ! Amen ! » (1 Tim. 1.17 et Ps. 145.13). Dieu a existé de toute éternité et existera de toute éternité. Lui-même le révèle d’une façon sublime dans sa Parole (Gen. 21.33 ; Deut. 33.27, Ps. 90.4 ; 102.12, 25, 27 ; 145.13 ; Ésa. 43.10 ; 44.6 ; 57.15 ; Apo. 1.4).

L’immutabilité de Dieu (voir Jac. 1.17) – Dieu demeure identique à lui-même. « Mais toi, tu restes le même » (Héb. 1.12). Dans son essence, son caractère, sa volonté, sa loi, Dieu est immuable. Ses performances et ses promesses sont constantes et les mêmes à jamais (Nom. 23.19 ; Ps. 33.11 ; Luc 27 ; Mal. 3.6 ; Héb. 6.17 ; Jac. 1.17). Les anges n’étaient pas immuables et abandonnèrent leur propre demeure (Jude v. 6). Des mots tels que « moins bien » ou « meilleur » ne peuvent pas être appliqués à Dieu. Il n’est jamais meilleur car il est de toute façon parfait au départ (Matthieu 5.48) ; il n’est jamais « moins bien » car il cesserait alors d’être parfait. Il n’y a pas en Lui de changement (Ex. 3.14 ; 1 Sam. 15.25 ; Ésa. 14.24 ; 46.9, 10). Les promesses et les plans de Dieu demeurent les mêmes. Dieu change le cours de son action seulement lorsque cela est rendu nécessaire par l’action de l’homme. Quand Dieu se « repent » dans la Bible, il s’agit d’un anthropomorphisme qui montre les actions de Dieu (punition ou châtiment par ex.) qui changent en fonction de la conduite humaine (Ex. 32.14 ; Jonas 3.10).

Dieu se suffit à Lui-même (son aséité) – Il n’a besoin de personne pour se compléter ou s’améliorer. « Si j’avais faim, je ne te le dirais pas, car le monde est à moi et tout ce qu’il renferme » (Ps. 50.12). De même, nous ne sommes pas indispensables à Dieu.

Dieu est « un » – Il y a un seul Dieu qui existe de toute éternité et qui se manifeste dans l’œuvre de la rédemption de trois manières différentes appelées « Père », « Fils » et « Saint-Esprit » (Ex. 20.3 ; Deut. 4.35 ; 6.4 ; Ps. 86.10 ; 1 Tim. 2.5 ; Jean 1.1sv ; 10.33 ; 8.58 ; 1 Cor. 2.8 ; Jac. 2.1 ; Rom. 9.5 ; 1 Jn. 5.20 ; Jean 20.28 ; Mat. 22.41sv ; Héb. 1.8 ; Col. 2.9 ; Phil. 2.6 ; Actes 5.3, 4). Chacune de ces manifestations de Dieu dans son œuvre de rédemption possède les mêmes attributs de la « divinité » (Col. 2.9). Chacune de ces manifestations de Dieu a un rôle particulier dans la rédemption. Lorsque ce plan aura été pleinement réalisé, Dieu sera « tout en tous » (1 Cor. 15.28).

Les attributs de Dieu en tant que Créateur ayant des relations avec ses créatures

Ces attributs ont parfois été appelés des attributs « relatifs » (qui n’est tel que par rapport à autre chose).

L’omnipotence de Dieu – « Rien de ce qui impliquerait « contradiction » n’appartient à l’omnipotence de Dieu. »2Thomas d’Aquin. Summ. Théol. I& QXXV Art. 4 Le mot omnipotence vient de omni (tout) et potence (puissance). À première vue, on penserait que l’omnipotence est un attribut absolu de Dieu. Expliquons ce que nous entendons par « absolu » et « relatif ». Nous croyons que l’omnipotence de Dieu est en elle-même absolue (dans le sens qu’elle n’a pas de limite), mais elle n’est pas, cependant, un attribut absolu. Elle est un attribut relatif puisqu’il dépend d’autres facteurs. Un de ces facteurs, c’est la volonté de Dieu. Le fait que Dieu ait une volonté, qu’il veuille faire certaines choses et ne veuille pas faire d’autres choses, est un facteur déterminant dans la mise en application de son omnipotence. Nous définirons donc la Toute-Puissance de Dieu comme « l’attribut de Dieu par lequel Il peut accomplir tout ce qu’Il veut accomplir » (cf. Jér. 32.17, 18). Du fait de son immutabilité, Dieu ne peut pas mentir, pécher ou agir contrairement à ses attributs absolus (Nom. 23.19 ; 1 Sam. 15.29 ; 2 Tim. 2.13 ; Héb. 6.1 ; Jac. 1.13, 17). Son omnipotence s’harmonise nécessairement avec ses attributs absolus.

En outre, Dieu est omnipotent dans le sens où son énergie est sans limite. En tant que source de toute énergie, il ne se lasse jamais (cf. Ésa. 40.27-31 ; Nah. 1.3, 6).

Son omnipotence implique aussi que la nature est entièrement assujettie à sa volonté (cf. Job 42.2). Cela implique aussi que les hommes doivent être entièrement assujettis à son autorité (cf. Jac. 4.12-15 ; Dan. 4.25). Les anges doivent aussi lui être assujettis (Ps. 103.20 ; Héb. 1.13, 14). Même les puissances spirituelles rebelles à Dieu doivent courber devant sa volonté (Job. 1.6 ; 2.1). En toutes choses l’attribut relatif de son omnipotence est rendu relatif par l’attribut absolu de sa suprême volonté (Ésa. 59.1, 2).

L’omniscience de Dieu (omniscient = qui sait tout ; de omni : tout ; science : connaissance) – Dieu connaît le passé, le présent et le futur d’une façon parfaite et infaillible. Pour lui, il n’y a d’ailleurs pas de passé, de présent ou de futur au sens où nous l’entendons. « Notre Seigneur est grand, puissant par sa force ; son intelligence n’a point de limite » (Ps. 147.5). Cette omniscience, Dieu ne l’a nullement acquise par l’effort et au cours du temps. Elle fait partie de lui-même, de son Être. « Car l’Éternel est un Dieu qui sait tout » (1 Sam. 2.3 – voir Job 37.16 ; Ex. 3.19, Ps. 139.1, 2, 4 ; Prov. 5.21 ; Rom. 11.33).

L’omniscience peut être classée comme un attribut relatif du fait de sa relation avec l’attribut de l’omnipotence. La Toute-Puissance de Dieu pour agir peut être modifiée par sa Toute-Connaissance. Même l’homme qui est sensé n’utilise pas ses capacités sans tenir compte de ses connaissances. La puissance divine qui permit de créer le monde implique qu’elle fut appliquée en fonction de l’omniscience divine. Dieu devait savoir « comment » créer pour « pouvoir » créer. Nous croyons que l’homme fut véritablement créé « de la poussière de la terre » (Gen. 2.7), mais il serait puéril de penser que cette action de Dieu fut un « simple tour de magie ». Dieu n’a pas fait un tour de prestidigitation ; il a créé l’homme « de la poussière de la terre » selon des lois connues par Lui.

Ceux qui postulent la « création » de l’homme par « l’évolution » n’ont pas compris et accepté l’omniscience ainsi que l’omnipotence de Dieu. Dieu est capable de savoir comment il faut créer un homme de la « poussière de la terre », sans qu’il ait besoin d’avoir recours à l’évolution… même si cet homme paraît avoir trente ans d’âge au moment de sa création.

Même la « vérification » par le carbone 14 ne peut démentir cette vérité sur la nature et les capacités de Dieu. Est-il hors de question que Dieu soit capable d’accélérer le processus de désintégration du carbone, de telle sorte que le test du C14 aurait donné un âge de 30 ans à Adam, alors qu’en réalité il n’était âgé que de quelques secondes ? Dieu savait comment faire un homme de la poussière de la terre, tout comme il savait comment faire voler un oiseau. Aujourd’hui, en copiant sur l’oiseau, l’homme est capable de voler, mais c’est Dieu qui le lui a appris… puisque c’est Dieu qui a créé l’oiseau. La science de l’aéronautique, par exemple, s’est débattue avec des calculs complexes et de nombreuses expériences pour faire voler le premier avion… mais pour certains le fait qu’un oiseau puisse voler serait seulement le résultat du « hasard » et de la « nécessité ».

Croire au Dieu de la Bible ou au témoignage selon lequel Dieu créa Adam à partir de la « terre » ne signifie pas un manque de « science » à l’œuvre dans cette création de l’homme. C’est par la « sagesse », et grâce à elle, que Dieu a créé l’univers : « Lorsqu’Il posa les fondements de la terre, j’étais (la sagesse) à l’œuvre auprès de Lui » (Prov. 8.22-31). Que nous ne puissions tout expliquer de la création et de bien d’autres phénomènes de l’univers ne prouve nullement qu’il n’existe pas d’explication. Cela prouve aussi que nous ne sommes pas omniscients.

L’omniscience de Dieu inclut non seulement la connaissance des événements qui se dérouleront dans le futur, mais la science parfaite, la science dans toutes ses dimensions. « La science n’est ni omnisciente, ni infaillible » disait André Maurois. En effet, la science humaine n’est nullement « omnisciente » alors que celle de Dieu est sans aucune limite.

Ce que nous avons dit de l’omniscience de Dieu peut aussi s’appliquer à son omnipotence. Ces deux attributs de Dieu ne sont nullement limités en eux-mêmes. Mais ils deviennent limités du fait même que Dieu a une volonté. Dieu n’appliquera son omnipotence et son omniscience qu’en fonction de sa volonté.3Voyez aussi Rom. 11.33 ; 1 Cor. 2.7 ; Col. 1.16 ; Job 32.8, Ps. 104.24 ; 1 Tim. 1.17 ; Héb. 4.13 ; Actes 15.18 ; Ps. 139.6, 7; Prov. 3.19 ; Jér. 10.12 ; Ps. 74.17 ; Rom. 8.28 ; Col. 2.3 ; 1 Pi. 1.12 ; Éph. 3.10 ; 1 Cor. 1.20 ; Ps. 77.9 ; 1 R. 3.9 ; Jac. 1.5.

Les attributs de Dieu en tant que maître d’un univers où vivent des êtres moraux (qui sont soumis à un critère de « bien » et de « mal »)

La Sainteté de Dieu – La Sainteté de Dieu est tout d’abord intrinsèque (qui appartient à ou qui constitue la nature même de Dieu). Dieu est celui qui est Saint (Job 6.10) et, en cela, nul ne lui est égal. En cela il est différent de toutes ses créatures (Ex. 15.11 ; Ésa. 57.15 ; 1 Sam. 2.2). Il est plus que « l’exemple » de la sainteté, Il est la source de toute sainteté. Dieu est dénué de toute imperfection (Mat. 5.48 ; 1 Sam. 2.2 ; Ps. 99.9 ; 111.9 ; Apo. 15.4). Donc, la sainteté de Dieu, c’est Dieu Lui-même. De nombreuses expressions montrent et décrivent cette sainteté de Dieu : par exemple, « Dieu est lumière », « Dieu est justice », « Dieu est amour ».

Dieu est éternel de même que sa sainteté (Ésa. 6.3 ; Marc 10.18 ; 2 Cor. 7.1 ; Apo. 4.8).

La sainteté de Dieu est la source de tout critère de sainteté (cf. 1 Pi. 1.16).

La sainteté de Dieu met en évidence l’imperfection de l’homme (Job. 34.10 ; Hab. 1.13).

La sainteté parfaite de Dieu ne peut que lutter, sans compromis, contre tout ce qui s’y oppose. La notion de « justice » divine découle de la notion que Dieu est parfaitement saint (cf. Deut. 32.3, 4 ; Ps. 36.6 ; 115.3 ; 119.142). Les concepts de « justice » et de « sainteté » sont indissociables. Nous sommes exhortés dans la foi chrétienne à « revêtir l’homme nouveau dans une justice et une sainteté que produit la vérité » (Éph. 4.24).

Toute notion de moralité est inutile, absurde, tout à fait relative si elle n’a pas, à sa source, celui qui est parfaitement Saint (voir Ézé. 36.16-21). La moralité est une « farce » si elle n’est pas accompagnée de la notion de Sainteté. L’humanisme athée qui rejette et renie Dieu se prétend la source de la moralité ; mais pour pouvoir produire un critère de moralité qui soit juste, il faut avoir la sainteté parfaite de Dieu. Pour pouvoir juger justement, il faut pouvoir juger comme Dieu juge. Toute moralité qui ne se base pas sur Dieu est vouée à l’échec, à la décadence, aux variations, à l’anarchie. Elle est l’empreinte de celui qui l’a produite : l’être humain.

« La nouvelle que nous avons apprise de Lui, et que nous vous annonçons, c’est que Dieu est lumière, et qu’il n’y a point en Lui de ténèbres. Si nous disons que nous sommes en communion avec Lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons, et nous ne pratiquons pas la vérité. Mais si nous marchons dans la lumière, comme il est lui-même dans la lumière, nous sommes mutuellement en communion, et le sang de Jésus, son Fils, nous purifie de tout péché. Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. » (1 Jean 1.5-8)

L’amour de Dieu –

« Bien-aimés, aimons-nous les uns les autres ; car l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu. Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour. L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par Lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’Il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. » (1 Jean 4.7-11)

On a coutume d’entendre que l’amour est l’attribut le plus important chez Dieu. Il est douteux cependant que les Écritures nous enseignent à faire une telle distinction entre les attributs de Dieu. Il est toujours dangereux de considérer un des attributs de Dieu au-dessus des autres. Tous sont parfaits, importants et nécessaires à la nature de Dieu. On ne peut pas faire une hiérarchie entre la sainteté, la justice et l’amour de Dieu. Ces trois attributs sont en eux-mêmes parfaits, nécessaires et complémentaires.

Comprendre l’amour de Dieu. – On a aussi coutume d’entendre que Dieu n’aime que ceux qui lui obéissent et qui l’aiment en retour. C’est là une conception fausse de l’amour de Dieu. Voyez Mat. 5.44-48 et Rom. 5.6-8. Dieu aime les êtres humains, qu’ils lui obéissent ou non.

L’idée que Dieu aime seulement celles et ceux qui l’aiment en retour est précisément ce que Jésus corrige en Matthieu chapitre 5 :

« Vous avez appris qu’il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains aussi n’agissent-ils pas de même ? Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d’extraordinaire ? Les païens aussi n’agissent-ils pas de même ? Soyez donc parfaits, comme votre Père céleste est parfait. »

Si Dieu n’aimait pas le pécheur, c’est-à-dire son ennemi, comment Jésus pourrait-il nous donner l’amour du Père en exemple ? Mais il faut bien comprendre que « l’amour » dont il est question ici n’est ni l’amitié ni l’amour familial ; c’est l’amour divin qui veut toujours notre bien. Et nous devons toujours vouloir le bien de nos ennemis, de ceux qui nous veulent du tort. Il faut aussi rappeler que dans l’histoire du fils perdu et retrouvé (Luc ch. 15), le père ne cesse pas d’aimer son fils en raison de son comportement. En ce qui concerne le salut, la Bible nous enseigne que nous sommes sauvés non pas en raison de notre amour pour Dieu, mais en raison de l’amour que Dieu a maintenu envers nous et qui s’est manifesté en Jésus-Christ :

« L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. Bien-aimés, si Dieu nous a ainsi aimés, nous devons aussi nous aimer les uns les autres. » (1 Jean 4.9-16)

Dieu montre son amour en ce qu’il a pourvu l’homme avec tout ce qui lui est nécessaire pour vivre (voir Mat. 5.45, Ps. 145.9 ; Act. 14.17, 1 Tim. 4.3, 4). De nombreuses objections sont faites à cela. Voyons certaines de ces objections. On dira par exemple de Mat. 5.45 que cela ne s’applique pas à tous les êtres humains. Il est vrai qu’il y a des sécheresses en certains endroits du globe. Les sécheresses viennent avec une certaine régularité dans un certain type de climat ; leur utilité ressort lorsqu’on considère l’équilibre des cycles de la pluie sur cette terre. Jésus parle d’une vérité que tous peuvent constater d’une manière générale : c’est qu’en même temps les justes et les injustes sont bénis par le soleil et la pluie. Dans cet enseignement de Jésus, celui-ci veut nous apprendre à faire du bien à tous les hommes, même aux méchants.

Que penser des famines ? Celles et ceux qui endurent des famines ne sont pas démunis de nourriture simplement parce que cette terre ne contient pas ou ne produit pas le nécessaire. En fait, la planète terre est suffisamment pourvue par Dieu afin que tous les êtres humains aient à manger à leur faim. Un homme peut être démuni parce que ses frères humains agissent injustement avec lui, en particulier ceux qui détiennent un pouvoir politique ou social. Dans les dictatures et les systèmes totalitaires les êtres humains souffrent, car ils sont traités « comme du bétail ».

La Bible enseigne que l’humanité est une grande famille dans laquelle chacun doit pourvoir de son superflu ce qui manque aux nécessités de son prochain (voir 1 Cor. 8.13). L’injustice sociale est ainsi condamnée (1 Pierre 5.1-6). Les riches qui se disent chrétiens doivent aider les nécessiteux (1 Tim. 6.17-19 ; Luc 16.25). Les chrétiens se doivent, selon la loi de Dieu, d’abord à leurs frères dans la foi et à leurs familles (Jac. 2.14-16 ; 1 Tim. 5.8). Toutefois, l’oppression du pauvre est condamnée par Dieu (Jac. 2.1-4).

Toutefois, la nécessité du partage et de la générosité ne peut jamais être imposée par la force, la contrainte ; elle doit être une expression du cœur, une expression d’amour et non une contrainte. À partir du moment où la générosité est imposée de force (par exemple au moyen du gouvernement), elle se transforme inévitablement en servitude pour les populations. Dieu nous montre son amour en ce qu’il nous a accordé la possibilité d’aimer – ce qui est le plus grand des dons (1 Cor. 12.31 ; 13.13). Voyez aussi le Cantique des Cantiques 8.6,7 ; Jean 15.13.

Dieu montre son amour en ce qu’Il ne nous a pas laissé sans révélation de Lui (Rom. 1.21 ; 1.32 ; 2.2 ; 2.4 ; 2.17-20 ; Jean 8.32, 36 ; Héb. 1.1, 2 ; 1 Tim. 2.4-6 ; 1 Tim. 1.7, 8 ; 2 Tim. 3.15-17 ; Jac. 1.18, 21 ; Éph. 1.13.).

Dieu prouve son amour en ce qu’il a donné son Fils unique pour le salut des hommes (Jean 3.16 ; 4.10 ; 15.9 ; 1 Jean 4.16) : « Mais Dieu, qui est riche en miséricorde à cause du grand amour dont Il nous a aimés, nous qui étions morts par nos offenses, nous a rendus à la vie avec Christ… » (Éph. 2.4, 5). « Voyez quel amour le Père nous a témoigné pour que nous soyons appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes » (1 Jean 3.1).

Cette expression de l’amour de Dieu manifestée dans la rédemption par son Fils est appelée sa « grâce », son « don » (Éph. 1.6, 7 ; 2.7, 8 ; Tit. 2.11 ; Rom. 3.23-26). L’amour de Dieu qui est manifesté dans le pardon de nos fautes est appelé sa « miséricorde », sa « compassion » (Luc 1.54, 72, 78 ; Rom. 9.16, 18 ; 15.9 ; Éph. 2.4). L’expression de l’amour de Dieu qui est manifestée dans le pardon que Dieu accorde malgré nos fautes est appelée sa « patience » ou « longanimité » (Rom. 2.4 ; 9.22 ; 1 P. 3.20 ; 2 P. 3.15).

La justice de Dieu – Le mot justice (dikaiosuné) dans les Écritures a le plus souvent le sens de « droiture ». La droiture est un attribut de Dieu (Rom. 3.21, 26 ; Ésa. 28.17 ; Héb. 1.9). L’homme devient droit (ou juste) en se conformant au critère divin (Luc 1.6 ; Ps. 106.30sv ; 2 Pi. 2.8). Cette « justice » de l’homme est cependant toujours imparfaite (Gal. 3.11 ; Phil. 3.9 ; Rom. 3.19, 20). Par l’œuvre de Jésus, l’être humain peut être parfaitement justifié aux yeux de Dieu (déclaré juste) ; mais il ne l’est pas en raison de son propre mérite, mais par le mérite de Jésus-Christ (Rom. 3.24 ; Phil. 3.9, 10).

Dieu est le seul Être parfaitement droit (juste) ; il est le seul qui a le droit d’établir un critère de droiture (justice) et de juger par rapport à ce critère (cf. 2 Tim. 4.8 ; Héb. 12.23 ; Jac. 5.9 ; Rom. 2.16 ; Rom. 14.10-12).4Notez les différents aspects de la justice de Dieu dans les versets suivants : Gen. 18.24, 25 ; Ex. 9.23, 27 ; Deut. 32.3, 4 ; 1 R. 8.32 ; 2 Chr. 15.2, 6 ; Job 8.3 ; 37.23 ; Ps. 7.9, 10 ; 11.4 ; 89.15 ; 96.11-13 ; 98.1-3 ; 116.5 ; 119.142 ; 145.17 ; Ésa. 6.3 ; 45.21 ; Jér. 12.1 ; Dan. 9.12-14 ; Soph. 3.5; Mat. 25.31-46 ; Jn. 17.25 ; Rom. 3.25 ; 2 Thess. 1.6, 7; 2 Tim. 4.8 ; Héb. 6.10 ; 1 Jn. 1.9 ; Apo. 16.5, 6.

Dieu révèle sa justice et son amour en venant vivre parmi les hommes en son Fils Jésus : le logos (grec pour « parole »), Jésus-Christ, est la révélation la plus complète de tous ces attributs de Dieu, en particulier de son amour (cf. Jean 1.14, 18 ; Héb. 1.1) – c’est pour cela qu’Il pouvait affirmer :

« Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père. Et dès maintenant vous le connaissez, et vous l’avez vu… Celui qui m’a vu a vu le Père. » (Jean 14.6, 7, 9)

Le plan de Dieu – Si l’être humain est incapable de connaître ses propres voies (Jér. 23.10), comment connaîtrait-il les voies de Dieu (Ésa. 29.16 ; 45.9) ? Il faut bien comprendre qu’en dehors de toute révélation divine, nous jugeons le caractère et les actions de Dieu d’un point de vue purement subjectif. Il est donc présomptueux de vouloir déterminer, en dehors d’une révélation de Dieu, quand Dieu agit ou quand il n’agit pas dans tel ou tel événement historique.

Pour déterminer quand Dieu agit ou non dans l’histoire, nous devons donc nous fier entièrement et uniquement à la révélation de Dieu contenue dans sa Parole. Cela signifie qu’il nous faut bien connaître les plans de Dieu tels qu’ils sont révélés dans les Écritures. La vie, les enseignements, la mort, la résurrection de Jésus-Christ et son ascension (son règne actuel et à venir) sont les étapes les plus importantes du plan de Dieu.

« Et comme Moïse élève le serpent dans le désert, il faut de même que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en Lui ait la vie éternelle. Dieu, en effet, n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour qu’Il juge le monde, mais pour que le monde soit sauvé par Lui. Celui qui croit en Lui n’est point jugé ; mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu’il n’a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. Et ce jugement c’est que, la lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fit le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient dévoilées ; mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses propres œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites en Dieu. » (Jean 3.14-21)

Ici, nous voyons quel est le plan de Dieu pour les êtres humains. La mort de Christ semble être un moment tragique de l’histoire, mais c’est pourtant le moment le plus beau de l’histoire… le moment où Dieu offre son Fils unique pour le salut du monde.

Le théisme biblique et le caractère de Dieu

La foi chrétienne postule un Dieu qui est le créateur souverain de toutes choses, qui régit l’univers physique et spirituel, et qui détermine le début et la fin de toutes choses.

On émet parfois l’objection que si Dieu fut dans la nécessité de produire la création, cela montre qu’il manquait quelque chose à Dieu. Certains en concluent que (a) Dieu n’était pas parfait puisqu’Il lui manquait la gloire de l’univers, et (b) l’univers doit être éternel, car cette gloire dut toujours manquer à Dieu qui est éternel.

La création n’ajoute rien à la gloire de Dieu ; elle manifeste et révèle d’une certaine façon la gloire parfaite de Dieu. Quand Dieu le voulut, cet univers fit son apparition comme expression de sa volonté :

« Ainsi parle l’Éternel, le Saint d’Israël et son créateur : Veut-on me questionner sur l’avenir, me donner des ordres sur mes enfants et sur l’œuvre de mes mains ? C’est moi qui ai fait la terre, et qui sur elle ai créé l’homme ; c’est moi, ce sont mes mains, qui ont déployé les cieux, et c’est moi qui ai disposé toute leur armée. » (Ésa. 45.11, 12)

Après que Dieu eut créé l’univers, il ne laissa pas l’univers fonctionner seul :

« Il compte le nombre des étoiles, Il donne à toutes des noms. Notre Seigneur est grand, puissant par sa force ; son intelligence n’a point de limite… Il couvre les cieux de nuages, Il prépare la pluie pour la terre, il fait germer l’herbe sur les montagnes. Il donne la nourriture au bétail, aux petits du corbeau quand ils crient. » (Ps. 147.4, 5, 8, 9)

Le Nouveau Testament enseigne ceci : « Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu’Il a établi héritier de toutes choses, par lequel Il a aussi créé le monde, et qui, étant le reflet de sa gloire et l’empreinte de sa personne, et soutenant toutes choses par sa parole puissante… » (Héb. 1.2, 3). Cette vision chrétienne de la providence de Dieu est ce qui nous permet de croire que « l’Éternel aime ceux qui le craignent, ceux qui espèrent en sa bonté » (Ps. 147.11). Cela signifie aussi que « l’Éternel affermit les pas de l’homme de bien, et il prend plaisir à sa voie : s’il tombe, il n’est pas terrassé, car l’Éternel lui donne la main » (Ps. 37.23, 24). Dans un univers créé, organisé et régi par Dieu, le chrétien peut être certain que « toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu » (Rom. 8.28).

L’apparition du péché et de la mort dans un monde parfait

Un enseignement fondamental des Écritures est qu’à l’origine la création était bonne, et même très bonne (Genèse chapitre 1). L’être humain – homme et femme – avait été créé à « l’image de Dieu ». Contrairement aux croyances répandues de l’antiquité (en particulier dans les sectes de la gnose aux premiers siècles de notre ère), le corps physique, le monde matériel, n’est pas ce que Dieu voit comme étant impur. Même les besoins naturels de l’homme ne sont pas « impurs » aux yeux du Créateur ; Jésus le dit clairement en Marc 7.18-23 :

« Il leur dit : Vous aussi, êtes-vous donc sans intelligence ? Ne comprenez-vous pas que rien de ce qui du dehors entre dans l’homme ne peut le souiller ? Car cela n’entre pas dans son cœur, mais dans son ventre, puis s’en va dans les lieux secrets, qui purifient tous les aliments. Il dit encore : Ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille l’homme. Car c’est du dedans, c’est du cœur des hommes, que sortent les mauvaises pensées, les adultères, les impudicités, les meurtres, les vols, les cupidités, les méchancetés, la fraude, le dérèglement, le regard envieux, la calomnie, l’orgueil, la folie. Toutes ces choses mauvaises sortent du dedans, et souillent l’homme. »

Ce qui est impur pour Dieu se situe non pas au niveau du corps, mais au niveau du cœur, des pensées. Bien entendu, on constate que l’adultère et l’impudicité (les relations sexuelles illicites) font partie de cette impureté car provenant d’un cœur impur. Le corps toutefois n’est pas en soi impur ; c’est l’usage qu’on en fait qui peut l’être. La sexualité dans les limites données par Dieu n’est pas quelque chose d’impur, mais la sexualité qui ne tient pas compte de ces limites devient un péché (voir par exemple l’homosexualité en Romains 1.24 : « C’est pourquoi Dieu les a livrés à l’impureté, selon les convoitises de leurs cœurs ; en sorte qu’ils déshonorent eux-mêmes leurs propres corps »).

Le logos (la Parole), qui était Dieu et qui était avec Dieu de toute éternité, a pu devenir chair précisément en raison de cette bonté, de cette pureté, de la création matérielle de Dieu. Puisque le corps humain n’est pas en soi impur, que les fonctions du corps ne sont pas en soi impures sur le plan spirituel, Dieu a pu prendre une forme humaine et venir vers nous (Jean 1.1-14 ; Philippiens 2.5-11). Le logos, Jésus, fut le seul à avoir vécu sans péché et devint, de ce fait, un médiateur parfait (1 Pierre 2.22 ; 2 Corinthiens 5.21 ; Hébreux 4.15 ; 1 Jean 3.5).

Dans l’univers créé par Dieu l’ange et l’homme, de leur propre volonté, introduisirent le péché et furent ainsi responsables de la dégradation de ce que Dieu avait créé parfait à l’origine. La créature est donc responsable des souffrances physiques et morales qui se sont abattures sur cet univers :

« Car la création a été soumise à la vanité, non de son gré, mais à cause de celui qui l’y a soumise, avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie de la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. Or, nous savons que, jusqu’à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l’enfantement. » (Rom. 8.20-22)

L’univers fut donc créé parfait, et c’est la créature qui a choisi de corrompre ce que Dieu avait fait et qui a persisté dans ce choix de corruption (voyez aussi Gen. 3.17, 18 ; 5.29). Dans le texte de Romains chapitre 8, une allusion très nette est faite à la résurrection, qui est appelée « la rédemption de notre corps » (Rom. 8.23). Les infirmités physiques, ainsi que la mort (qui vient d’infirmités à plus ou moins longue échéance), font partie intégrante de cette dégénérescence – de cette mort – de la création. L’apôtre écrit dans un autre texte :

« Le corps est semé corruptible ; il ressuscite incorruptible ; il est semé méprisable, il ressuscite glorieux ; il est semé infirme, il ressuscite plein de force ; il est semé corps animal, il ressuscite corps spirituel. » (1 Cor. 15.42-44)

Pourquoi cet état de choses ? La Bible en attribue la faute au péché de l’homme : « le sol sera maudit à cause de toi » (Gen. 3.17), bien que l’auteur effectif en soit Dieu : « cette terre que l’Éternel a maudite » (Gen. 5.29). L’homme fut la cause morale de cet état de choses mais il n’était pas capable de « maudire le sol » en sorte que cela puisse avoir des conséquences.

C’est aussi Dieu qui délivrera la création qu’il a ainsi assujettie (voir aussi 1 Cor. 15.20-28) :

« C’est au second Adam qu’il appartient de clore cette ère nouvelle comme le premier avait clos l’ancienne, en opérant dans le domaine moral, puis enfin dans le domaine physique, la défaite définitive de la puissance ennemie du bien. »5Frédéric Godet, Commentaire sur l’épître aux Romains. p. 190.

Dieu a permis au véritable auteur du mal – Satan – à devenir « le prince de ce monde » (Jean 12.31 ; 14.30 ; 16.11 ; Éph. 2.2 ; 6.12 etc.). Le meilleur exemple de cet état de choses et que l’on peut toujours constater dans la création, c’est la mort. La mort demeure un « ennemi ». Elle est une œuvre de Satan, « celui qui a la puissance de la mort » (Héb. 2.14). Cependant, les enfants de Dieu ne craignent pas la mort (Héb. 2.15), puisqu’ils ont en eux-mêmes la vie éternelle (1 Jean 5.11, 12).

Dans le processus de « rédemption » et de « régénération » de toute la création, l’homme-Dieu, Jésus-Christ (Jean 1.1sv), joue un rôle primordial. La mort de Jésus sur la croix fut souverainement approuvée par Dieu, car il fut « prédestiné avant la fondation du monde, et manifesté à la fin des temps » (1 Pi. 1.20sv ; il ne faut pas hâtivement conclure du mot « prédestiner » que Jésus n’eut aucun choix dans cette décision divine : voir Jean 10.18). La crucifixion, meurtre sanglant d’un innocent, fut permise, et même décrétée par Dieu : « Cet homme, livré selon le dessein arrêté et selon la prescience de Dieu, vous l’avez crucifié, vous l’avez fait mourir par la main des impies » (Actes 2.23).

Le plan de Dieu et la liberté des hommes

Dieu le voulut et pourtant Jésus était libre de choisir de ne pas mourir ainsi. S’il est dit que Dieu le voulut et le permit, il n’est pas dit, cependant, que Dieu le fit lui-même. En effet, ce sont « les impies » qui crucifièrent Jésus. Voyez aussi :

« En effet, contre ton saint serviteur, Jésus, que tu as oint, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués dans cette ville avec les nations et avec les peuples d’Israël, pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient arrêté d’avance. » (Actes 4.27, 28)

Dieu est donc le maître incontestable de l’histoire. Tout ce qui arrive, arrive par sa volonté. Par sa volonté, Dieu choisit de créer des êtres libres ; par sa volonté ils agissent librement dans le cours de l’histoire. Ces êtres sont libres de l’aimer ou de le haïr, libres de s’aimer ou de se haïr les uns les autres, libres de se soumettre ou de se rebeller contre leur créateur, libres de se soumettre les uns aux autres, ou de se rebeller les uns contre les autres (voir Rom. 13.1 ; Éph. 5.24 ; Tit. 3.1 ; 1 Pi. 2.18). Dieu est donc l’Être absolu : « Un Être absolu est un être libre, sans limitation, indépendant et parfait. Dieu est absolu parce que son existence, sa nature, ses attributs, ses actes ne sont sous la dépendance d’aucun autre être ».6Charles Hodge, Systematic Theology, p. 357, Vol. 1.

Ainsi, nous trouvons toujours ces deux éléments importants dans la compréhension de l’histoire éclairée par la Bible :

  1. Dieu est absolu en toutes choses.
  2. La créature peut librement choisir de s’opposer à son Créateur.

Objections au théisme biblique

Spinoza catalogue d’ignorants ceux qui voudraient recourir à la volonté divine pour expliquer les problèmes du monde et de la vie. Il est vrai que le christianisme fait appel à la volonté divine pour comprendre l’histoire, le monde et la vie. (Notons que même la liberté que l’homme possède lui fut accordée par la volonté divine.) Cependant, nous nous opposons à l’objection que cela n’est pas permissible. En raison de quel principe ? Ce n’est pas uniquement le point de départ d’une façon de penser qui en détermine la validité, mais aussi ce qu’elle produit en fin de compte. Une hypothèse ne se vérifie-t-elle pas lorsqu’elle donne un sens cohérent aux faits ? Le panthéisme, qui est le point de départ de Spinoza, ne peut donner de sens à la lutte morale en ce monde, et ne peut même pas donner de raison pour l’existence de cette lutte morale.

Une autre objection consiste à dire que le théisme chrétien n’est pas empirique (empirique : « qui s’appuie avant tout sur les données de l’expérience personnelle »). Dans cette objection, tout empirisme est (sans raison valable) systématiquement exclu de la notion de foi. Selon cette objection, la foi du chrétien ne serait seulement qu’une expérience subjective, sans rapport avec la réalité.

Mais pourquoi penser que la foi n’est pas une part intégrante de l’expérience personnelle ? Ni l’amour ni la haine ne peuvent se toucher et se voir, mais les hommes de ce monde en font l’expérience chaque jour. Ce sont des réalités quotidiennes qui donnent naissance à des expériences humaines et qui ont des conséquences très concrètes dans la société. Ainsi en est-il de la foi. Elle fait aussi partie de l’expérience quotidienne. La connaissance de soi, les faits de la nature, les faits bibliques sont des phénomènes « empiriques ».

Une troisième objection consiste à dire que le théisme chrétien élimine le besoin de faire une distinction entre le bien et le mal. Selon cette objection, ce que nous appelons « mal » Dieu pourrait l’appeler « bien » et vice versa. Mais le mal, le péché, c’est la transgression de la loi de Dieu (1 Jean 3.4). Seule la loi de Dieu peut nous dire ce qui est bien et mal (Rom. 7.7 ; 2.14, 15 ; 1.32). Dieu, lui, n’est point sous la loi, car il est parfait ; la loi ne fait que refléter cette perfection.

Imaginons que nous voulions imposer les dix commandements à Dieu :

« Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face. » Dieu est le seul Dieu. Il le sait et le déclare lui-même (Ésa. 44.6-20). Il n’a pas besoin d’une loi pour lui apprendre cela.

« Tu ne feras point d’image taillée. » Dieu ne veut pas que l’homme aille se prosterner devant des idoles sans intelligence et impuissantes. Cependant, Dieu lui-même, qui sait fort bien qu’il est le seul Dieu, qui sait qu’il est le seul qui doive être adoré, et qui n’adore lui-même personne, n’a pas besoin d’une telle loi. De qui ferait-il une image taillée ? De lui-même ? Dieu s’interdirait-il lui-même de faire de lui-même une image taillée… car il risquerait d’être jaloux de lui-même ? Il est absurde de vouloir appliquer cette loi à Dieu.

« Tu ne prendras point le nom de l’Éternel en vain. » Dieu, à qui son nom appartient, n’aurait-il pas le droit d’utiliser ce nom comme bon lui semble ? N’utilisera-t-Il pas toujours ce nom à des bonnes fins puisqu’il est parfaitement saint ?

« Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. » Dieu est au-dessus du temps. Il est lui-même l’auteur du Sabbat. D’ailleurs, devons-nous penser que Dieu avait vraiment besoin de « repos » (dans le sens où nous l’entendons) après la création. Il semblerait plutôt que ce terme est utilisé d’une manière anthropomorphique. Il est aussi très clair, par d’autres renseignements bibliques, que cela ne serait pas possible. Dieu n’a jamais cessé d’agir (Jean 5.17). Il continue de soutenir sa création par sa parole puissante (Héb. 1.3 ; Col. 1.16, 17 ; Jean 1.3 ; Job 38.4-7 ; Jér. 10.13 ; 5.24 ; 14.22). La Bible dit que Dieu se « reposa de ses œuvres » (la création). Cette expression montre que la création était achevée au 7e jour. C’est cela le sens de ce « repos », tel qu’il nous est montré dans le Nouveau Testament (Héb. 4.4, 10).

C’est seulement plus tard, bien après que le commandement fut donné à Israël (Néh. 9.13, 14) que le peuple de Dieu devait comprendre l’enseignement et l’espérance contenus dans ce commandement (Héb. 4.1-11). Ce commandement ne s’applique donc pas à Dieu, mais seulement aux êtres humains auxquels il fut donné (en l’occurrence le peuple d’Israël). Dieu, Lui, est entré dans « son repos », et c’est à nous maintenant de nous efforcer d’y entrer (Héb. 4.5, 11).

« Tu ne commettras point de meurtre. » Toute vie appartient à Dieu et n’existe que par lui. Dieu est libre d’agir comme il l’entend avec ce qui n’appartient qu’à lui seul. Il a donc parfaitement le droit de faire cesser la vie d’un individu quand Il le veut (1 Jean 5.16 ; Jac. 4.14). D’ailleurs c’est ce qui arrive chaque fois qu’un être humain meurt. Mais les êtres humains n’ont pas ce droit.

« Tu ne commettras point d’adultère. » Dieu n’est pas un être physique et sexuel, et il n’est pas dominé par des passions.

« Tu ne déroberas point. » À qui Dieu déroberait-il quelque chose ? À lui-même ? Tout lui appartient.

« Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain. » Dieu n’a pas de « prochain », car un « prochain », c’est un égal. Étant parfait Dieu ne peut mentir : Nombres 23.19.

« Tu ne convoiteras point la maison de ton prochain. » Il n’y a rien que Dieu puisse convoiter car tout est à Lui.

Tout cela nous montre que la loi ne peut pas s’appliquer à Dieu. La loi est faite pour celui qui est capable de transgresser la volonté de Dieu : l’être humain. Que voulait donc dire le philosophe athée John Stuart Mill lorsqu’il prétendait que Dieu doit posséder « les mêmes attributs moraux qu’un homme juste de notre société humaine » ?7John Stuart Mill, An Examination of Sir William Hamilton’s Philosophy, Vol. I, pages 130-131. C’est là une exigence absurde lorsqu’on parle de Dieu. La loi n’existe et ne peut exister que pour l’homme. Le mal n’existe et ne peut exister activement que chez ceux qui transgressent la loi de Dieu.

Une autre objection consiste à dire ce qui suit : « Et les autres dieux… ne pourraient-ils pas prétendre, eux-mêmes, à une telle suprématie ? » La réponse de la Bible est que Dieu est le seul Dieu de toute manière ; la question ne se pose donc pas.

« L’Éternel est Dieu en vérité,
Il est un Dieu vivant et un roi éternel ;
La terre tremble devant sa colère,
Et les nations ne supportent pas sa fureur.
Les dieux qui n’ont point fait les cieux et la terre
Disparaîtront de la terre et de dessous les cieux.
Il a créé la terre par sa puissance,
Il a fondé le monde par sa sagesse,
Il a étendu les cieux par son intelligence…
Tout homme devient stupide par sa science,
Tout orfèvre est honteux de son image taillée ;
Car ses idoles ne sont que mensonge,
Il n’y a point en elles de souffle,
Elles sont une chose de néant,
Une œuvre de tromperie. »
(Jér. 10.10-15)

Il vient toujours un moment où les idoles humaines et ceux qui les servent doivent dire avec les magiciens de Pharaon : « C’est le doigt de Dieu » (Ex. 8.15). Le moment vient quand les grands de ce monde reconnaissent que l’action de Dieu est unique : « En vérité, votre Dieu est le Dieu des dieux et le Seigneur des rois » (Dan. 2.47). C’est ce que Dieu déclare : il n’y a pas d’autre dieu que lui (Ésa. 36.20 ; 42.8). Celui qui se conforme à la volonté d’un dieu moindre que l’Éternel ne sert pas l’Éternel, mais sert une idole.

La vérité biblique concernant l’incarnation (Dieu s’est fait chair, Jean 1.14) n’est pas une idolâtrie. Cette vérité est essentiellement incarnée et démontrée dans la personne du Christ : « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (Jean 14.6). L’image du Dieu Tout-Puissant se reflète parfaitement dans la personne du Christ : « Celui qui m’a vu a vu le Père » (Jean 14.9 ; Héb. 1.3). La personne du Christ est la démonstration vivante que nous ne nous trompons pas lorsque nous affirmons que le Dieu de la Bible est le seul Dieu, et que Sa volonté est la seule qui puisse guider l’homme.

Une objection consiste à dire que « le théisme chrétien fait de Dieu l’auteur du mal ». C’est là une objection contre l’action suprême de Dieu dans le cours des événements du monde. Notre réponse est qu’effectivement Dieu est la cause première de tout ce qui existe. Cependant, le mal n’est pas venu de Dieu ; le mal est venu de la rébellion librement consentie des créatures de Dieu (l’ange et l’homme). Les qualités positives dont étaient douées ces créatures, telles que la liberté d’agir, l’intelligence, l’autorité accordées par le Créateur… se sont avérées des éléments négatifs lorsqu’ils sont devenus, pour ces créatures, les moyens, non plus de glorifier Dieu et son œuvre, mais de se glorifier eux-mêmes et leurs œuvres.

On peut seulement « blâmer » Dieu d’avoir fait de ces créatures des êtres libres, des êtres qui peuvent user à leur guise de ces qualités positives dont Dieu les a dotés. Mais qui blâmera Dieu d’avoir été créé libre d’agir, de ne pas être un robot ? Que serions-nous sans cette liberté d’agir et de choisir ?

Une autre objection consiste à dire que « si Dieu n’est pas l’auteur du mal, il est en tout cas responsable du mal ». Souvent le mot « responsable » est utilisé comme un synonyme « d’auteur ». Si cela est le cas, nous devons retourner à l’objection précédente et à la réponse que nous avons donnée. Le seul autre sens que nous puissions donner au mot responsable, c’est : (i) qui doit répondre de ses actes, ou (ii) qui doit en vertu de la morale admise rendre compte de ses actes. Nous avons déjà vu la réponse à cette 2e définition du mot « responsable » : Dieu n’est pas soumis à la loi qu’il impose à l’homme. Voyons le deuxième sens du mot « responsable ». Pour pouvoir répondre de ses actes, Dieu devrait avoir quelqu’un qui lui est supérieur, à qui il doive rendre compte ! Dieu n’a pas à répondre à l’homme de ses actes, puisque l’homme n’est nullement son supérieur. De par sa nature même Dieu n’a personne à qui répondre de ses actes :

« Que dirons-nous donc ? Y a-t-il en Dieu de l’injustice ? Loin de là ! Car Il dit à Moïse : Je ferai miséricorde à qui Je fais miséricorde, et J’aurai compassion de qui J’aurai compassion. Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Car, l’Écriture dit à Pharaon : Je t’ai suscité à dessein pour montrer en toi ma puissance, et afin que mon nom soit publié par toute la terre. Ainsi, il fait miséricorde à qui Il veut, et il endurcit qui Il veut. Tu me diras : Pourquoi blâme-t-il encore ? Car qui est-ce qui résiste à sa volonté ? Ô homme, toi plutôt, qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d’argile dira-t-il à celui qui l’a formé : Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? » (Romains 9.14-20)

Le théisme biblique et les fléaux naturels

Les fléaux naturels sont souvent interprétés comme l’action directe d’un Dieu qui châtie ou qui bénit. Nul croyant ne doute que Dieu est capable d’employer les fléaux naturels pour juger et châtier (par exemple : les plaies d’Égypte en Ex. 7–10). Cependant, c’est seulement à l’aide d’une révélation de Dieu que nous pouvons déterminer et affirmer que tel événement ou telle intervention vient de Dieu, ou qu’elle vient de Dieu tant tel ou tel but. Sans cela, tout ce que nous disons n’est que pure présomption. Ce n’est pas le caractère apocalyptique des phénomènes naturels qui faisait croire aux croyants qu’il s’agissait d’interventions directes de Dieu… mais c’est parce que Dieu le leur avait révélé. Et lorsqu’il le révélait, ils interprétaient certains fléaux naturels comme des jugements de Dieu. Sans révélation de Dieu, nous demeurons dans le domaine des spéculations humaines.

La question suivante se pose donc : « Pourquoi y a-t-il des catastrophes naturelles ? Pourquoi Dieu les permet-il ? » Nous ne parlerons pas très longuement des maladies humaines, car le théisme chrétien range la maladie au rang de cette vulnérabilité de l’homme et qui fait de lui un être mortel ; vulnérabilité qui fit son apparition au moment de sa chute morale et spirituelle et qui touche tout être humain sans exception. La maladie est une autre évidence que l’homme ne jouit pas d’une relation parfaite avec Dieu, comme à l’origine, et qu’il a été écarté de « l’arbre de vie ». Lorsque l’homme fut exposé à la mort, son corps devint vulnérable, il devint sujet à la maladie, à la corruption, à la mort.

Jésus-Christ est lui-même « un arbre de vie » qui accorde, en fin de compte, l’invulnérabilité, l’incorruptibilité et l’immortalité à ceux qui se « nourrissent » de lui : « En vérité, en vérité, je vous le dis, si vous ne mangez la chair du Fils de l’homme, et si vous ne buvez son sang, vous n’avez point la vie en vous-mêmes » (Jean 6.53). Jésus est celui qui peut se permettre de dire : « Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais » (Jean 11.25,26).

La foi chrétienne implique la conviction qu’une victoire décisive sur la corruption (la mort) est possible : « Car il faut que ce corps corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l’immortalité » (1 Cor. 15.53).

La question est souvent débattue de savoir s’il est juste que tous les descendants d’Adam soient assujettis à la corruption à cause du péché de leur ancêtre. Le théisme chrétien offre plusieurs réponses à cette question.

La mort spirituelle vient sur ceux qui pèchent.

L’être humain n’est pas condamné, ne meurt pas spirituellement à cause des péchés de ses ancêtres, mais à cause de ses propres péchés (Rom. 5.12) : « La mort s’est étendue sur tous les hommes, parce que tous ont péché… » Un bébé ne peut pas pécher (transgresser la loi de Dieu) et n’est donc pas coupable aux yeux de Dieu (voir Éph. 2.1-5 ; Col. 2.13 ; Rom. 7.9 ; Gal. 3.10, 11 ; 1 Jean 3.4 ; Ézé. 18.19, 20 ; Jac. 4.17) même s’il naît dans un monde sous l’influence du péché.

Il faut faire une distinction entre les conséquences du péché et la culpabilité du pécheur.

Cette distinction est assez évidente, même dans le cours de l’histoire. Si un homme commet une action injuste et mauvaise, il y aura des conséquences qui se répercuteront sur d’autres membres de la famille humaine. Ainsi, par exemple, par la folie de quelques-uns, des milliers d’hommes qui étaient innocents ont péri dans les guerres.

Les conséquences (ou le résultat) du péché ne doivent pas étonner, car cela revient à ce que nous avons déjà dit sur la liberté de l’homme. Un être libre est un être responsable vis-à-vis de lui-même et des autres. Nos actions quotidiennes ont un effet néfaste ou positif sur d’autres membres de la famille humaine. Chaque individu est rendu responsable du malheur et du bonheur d’autrui. L’être humain doit nécessairement reconnaître sa part de responsabilité. Quelle est-elle ? Elle se résume en ces mots : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même », et : « Tout ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le de même pour eux. »

Adam et Ève ont handicapé d’une manière décisive le bonheur de ceux qui devaient être leurs descendants. Ils furent chassés du lieu où ils étaient immunisés contre toute corruption, même physique (cf. Gen. 3.23, 24). Ils se retrouvèrent dans un monde où Dieu ne les assurait plus d’une protection constante, ni contre la souffrance ni contre la mort physique et spirituelle (Gen. 3.17-19, 24). Tous ceux qui descendraient d’Adam et Ève devraient aussi vivre dans un tel monde et en subir les conséquences. Jésus, le Fils de Dieu, le plus pur des êtres, naquit dans un tel monde – sans toutefois pécher – car il faisait aussi partie de la famille humaine (cf. Phil. 2.6-8 ; Héb. 2.14) ; il dut subir les conséquences du péché en étant maltraité, puis crucifié.

Il est donc vrai que l’humanité est une grande famille. Si les hommes mettent en pratique la « loi royale » (Jac. 2.8), beaucoup de souffrances seront atténuées. On voit bien les marques des grandes blessures qui ont été infligées à certains à cause de l’inhumanité de l’homme pour l’homme. Nous subissons les effets de la désobéissance d’Adam, et nous subissons les effets de notre propre désobéissance et de celle des autres. Le péché n’est pas simplement quelque chose que l’on commet ; c’est aussi quelque chose que l’on subit.

Dans tout ceci Dieu n’est nullement injuste. Nous devrions nous réjouir d’être des créatures libres, douées de la possibilité de choisir, d’être des créatures capables d’avoir une influence, d’être des créatures capables d’aimer… ou de haïr. La liberté et la possibilité de choisir impliquent la capacité de mal choisir (sans quoi il n’y a pas de réelle liberté), impliquent la capacité d’avoir une mauvaise influence (mauvaise influence qui aura des effets néfastes), impliquent la capacité de haïr (haine qui ruinera d’autres êtres).

On peut avoir une réaction de révolte si l’on songe que c’est une seule transgression qui a produit tout cela. Nous pouvons penser que nous aurions réagi autrement si nous avions été Dieu. Mais nous ne sommes pas Dieu. Nous ne sommes pas un Être parfaitement saint qui doit être obéi en toutes choses et qui doit être impartial dans sa justice. Nous ne sommes pas capables, comme Dieu, de procurer une espérance à l’homme :

« J’estime que les souffrances tu temps présent ne sauraient être comparées à la gloire qui sera révélée pour nous. Aussi la création attend-elle avec un ardent désir la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise à la vanité, – non de son plein gré, mais à cause de celui qui l’a soumise, – avec l’espérance qu’elle aussi sera affranchie dans la servitude de la corruption, pour avoir part à la liberté de la gloire des enfants de Dieu. » (Rom. 8.18-21)

Les cataclysmes naturels montrent-ils un Dieu injuste et qui ne peut pas être le créateur de l’univers (et par conséquent on en conclue que Dieu n’existe pas) ? John Stuart Mill conclut des catastrophes naturelles que le Créateur de ce monde doit manquer d’intelligence ou de bonté.8J. S. Mill, Three Essays on Religion, pp. 20-31.

En voyant l’état du monde, certains postulent un manque d’intelligence de la part du Créateur. Lucrèce affirma que si la création du monde avait été sa responsabilité, le monde serait le « meilleur des mondes » (d’où Huxley tira le titre de son livre). Le Dr Martineau répond ainsi aux propositions de Lucrèce :

« Il semble que le poète romain aurait préféré pour l’homme des conditions toutes différentes sur cette terre. Elle devrait être entièrement cultivable et cultivée, entièrement habitée afin qu’il n’y ait aucune perte de place, de température uniforme, n’ayant pas plus d’eau que ce qu’il faut pour boire et cultiver, sans vallée ni montagne, sans les étendues des océans, sans les vents qui apportent la neige, sans chaleur solaire qui, puissante en Afrique, fait fondre les neiges des Alpes. Notre planète devrait être une petite planète sans envergure, sans étendues isolées, sans animaux sauvages, et si confortable qu’elle serait vite une fourmilière où nul ne pourrait plus être seul quelque part. »9Dr Martineau, Study of Religion, Vol. I, p. 354.

Voilà donc la description humaine d’un monde « idéal » ! Nous en échappons avec bonheur pour retrouver les forêts sauvages, les océans sans fin, les merveilles des neiges éternelles et les icebergs polaires.

Darwin parle avec sarcasme du dard de l’abeille qui produit la mort de l’abeille (C. Darwin, Origin of Species, 6th. Ed. p. 163). Mais pourquoi en est-il ainsi pour le dard de l’abeille ? Dans ce cas, le dard de l’abeille est utilisé d’une façon tout à fait exceptionnelle : dans un moment où l’abeille devient folle de rage et veut attaquer son adversaire. En réalité le dard est un instrument de travail pour l’abeille ; ce dard l’aide à creuser dans le bois ou dans d’autres éléments durs. Utilisé ainsi le dard n’est pas un instrument de mort pour l’abeille. Le couteau qui coupe le pain peut aussi couper la gorge.

Prenons le cas de volcans et des tremblements de terre. Dans son livre Volcanos, le prof. Judd de l’École des Mines montre la nécessité des volcans dans l’équilibre de la planète. Ce qui aux yeux des faibles habitants de cette terre n’est qu’un élément négatif est tout à fait nécessaire à l’échelle de la planète sur laquelle ils vivent. Ces « catastrophes naturelles » sont produites par des lois internes et externes de notre planète, lois qui donnent son équilibre à la planète.

Notre planète offre des conditions optimales pour que la vie biologique s’y déroule d’une façon harmonieuse. Certaines lois permettent une telle harmonie, et c’est à nous de respecter et de tenir compte de ces lois. Cette harmonie qui permet la vie biologique, seule notre planète la possède. (Voyez les remarques d’Immanuel Vélikovsky dans son livre Mondes en Collision, pp. 5 et 6.)

Il faut aussi noter, comme le fait le professeur Trueblood, que les « catastrophes » naturelles surviennent souvent de telle façon qu’on peut les prévoir (voir Philosophy of Religion, p. 253). L’homme qui construit sa maison aux pieds d’un volcan ne doit pas s’étonner s’il est un jour surpris par une éruption. L’homme qui va habiter au bord de l’océan ne doit pas s’étonner lorsque les vagues viennent envahir sa maison, ou lorsque survient un ouragan. Si Dieu n’intervient pas chaque fois que l’homme joue avec le feu, c’est parce qu’il a créé l’homme libre et capable de déterminer si ses choix sont bons ou mauvais. L’homme peut vivre en harmonie avec la nature s’il profite des enseignements qu’elle lui inflige. L’être humain peut même, par son intelligence, contrôler certains phénomènes naturels et les utiliser à son avantage. Enfin, l’être humain conserve une part de responsabilité dans la protection des écosystèmes qui caractérisent la planète. Cette responsabilité lui fut prescrite dès l’origine de la création du monde (Genèse 1.28 ; 2.15).

Albert Camus : « Les Justes » et cinq conceptions erronées de Dieu10Yann Opsitch « Albert Camus : les justes » Horizons Chrétiens No 54, 1988

Représenté pour la première fois en 1949, « les Justes » est une pièce de théâtre en cinq actes d’Albert Camus. Cette pièce est basée sur un événement historique : l’assassinat en 1905 à Moscou du grand-duc Serge, l’oncle du tsar de la Russie, par un groupe terroriste du parti socialiste révolutionnaire. Cette pièce permet d’avoir une idée sur le regard que porte Camus sur le phénomène du terrorisme. Elle permet aussi de comprendre les arguments de gens qui se disent « croyants » pour justifier un assassinat politique… Dans la pièce les jeunes terroristes sont révoltés par les privilèges sociaux de certains, mais ils sont aussi révoltés à l’égard de la croyance en un Dieu juste. En fait, dans la pièce ce sont les jeunes révolutionnaires qui sont « justes » et non le « Dieu » des croyants. La pièce évoque six conceptions erronées concernant Dieu.

1re erreur concernant Dieu. Dieu donne seulement aux croyants des vertus morales ou la capacité d’aimer.

On trouve cette idée chez la grande duchesse ; elle pense que seuls les croyants ou les gens religieux sont capables d’amour ou s’efforcent de vivre selon le commandement fondamental de l’Écriture qui est l’amour du prochain.

Kaliayev : « Je me détournerai de vous et de ce monde hideux et je me laisserai aller à l’amour qui m’emplit. Me comprenez-vous ? »

La grande duchesse : « Il n’y a pas d’amour loin de Dieu »

Kaliayev : « Si. L’amour pour la créature. »

Commentaire

La grande duchesse est croyante et pratiquante. Elle ne comprend pas que tout être qui aime a reçu ce don d’amour de Dieu, source de tout amour. Elle a une conception élitiste de Dieu qui n’accorderait ses bienfaits qu’à ceux qui croient en lui ou acceptent ses commandements. Or, le Père « qui fait pleuvoir sur les justes et les injustes » (Matthieu 5.45) leur accorde de même le bienfait d’aimer et d’être aimés. C’est lui « notre Père à tous » qui nous a créés et qui nous accorde des vertus et la force de les exercer (voir Jacques 1.18). Jean le dit simplement : « L’amour est de Dieu » (1 Jean 4.7). Nous ne servons pas Dieu, nous n’aimons pas Dieu afin qu’il nous aime en retour ! Nous l’aimons parce que nous nous sommes rendus compte qu’il nous aime même quand nous le haïssons (1 Jean 4.10 ; Romains 5.6-8).

2e erreur concernant Dieu. Dieu ne s’intéresse qu’à notre destinée dans l’au-delà.

La grande duchesse et le révolutionnaire Kaliayev (lui aussi croyant) se trompent tous deux en croyant que Dieu veut unir les êtres humains uniquement dans l’au-delà et non sur la terre.

Kaliayev : « L’injustice sépare, la honte, la douleur, le mal qu’on fait aux autres, le crime séparent. Vivre est une torture puisque vivre sépare. »

La grande duchesse : « Dieu réunit. »

Kaliayev : « Pas sur cette terre. Et mes rendez-vous sont sur cette terre. »

La grande duchesse : « C’est le rendez-vous des chiens, le nez au sol, toujours pleurant, toujours déçus. »

Commentaire

L’homme qui souffre des « séparations » d’ici-bas n’est pas un chien. La souffrance qu’il éprouve est la « sonnerie d’alarme » que quelque chose ne va pas, que les hommes gâchent leur existence et celle des autres, que la vie mérite d’être vécue autrement… Le Dieu de la Bible et annoncé par Jésus-Christ se préoccupe, au contraire, de réconcilier en priorité les hommes ici-bas car, sinon, comment pourraient-ils vivre réconciliés dans l’au-delà ? Le mot « maintenant » est un des plus importants du vocabulaire biblique : « Mais maintenant en Christ Jésus vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang de Christ. Car c’est lui notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un en détruisant le mur de séparation, l’inimitié » (Éphésiens 2.13, 14).

3e erreur concernant Dieu. La justice de Dieu fluctue ; elle tient compte de la position ou de l’influence des individus.

Cette erreur fondamentale concernant Dieu apparaît dans les dialogues de cette pièce. Elle consiste à croire que Dieu tolère l’injustice (ou tout autre péché) lorsqu’elle émane de gens au pouvoir. Ainsi, la grande duchesse veut-elle demander la grâce de Kaliayev aux hommes et à Dieu – donc à des hommes injustes et à un Dieu qui acceptera leur injustice et fera donc grâce au révolutionnaire. Si nous nous imaginons que Dieu se laisse fléchir par les riches ou les puissants de ce monde, nous n’avons pas lu la Bible. Le Dieu de l’Écriture n’a qu’une loi de justice, applicable aux hommes sans exceptions. Le Dieu de la Bible ne fait pas « acception de personnes » (Jacques 2.9 ; Actes 10.34, 35). La religion a trop souvent donné l’impression que les puissants et les grands disposent, face à Dieu, d’une sorte d’alibi ou d’immunité morale.

4e erreur : Dieu prend parti dans les idéologies ou les combats politiques.

Les jeunes terroristes de la pièce semblent croire que Dieu prend parti dans les luttes idéologiques ou politiques des hommes. Kaliayev, le héros de la pièce, espère même que Dieu lui viendra en aide pour assassiner un individu qu’il estime injuste : « Mais Dieu aidant, la haine me viendra au bon moment… » (Acte I).

Peut-on raisonnablement prier Dieu pour qu’il mette de la haine dans notre cœur ? Pourquoi certains tiennent-ils à tout prix à mêler Dieu à leurs combats politiques, à leurs luttes d’hommes ou à leurs, vengeances personnelles ? À deux frères qui exigeaient un partage équitable de leurs biens Jésus réplique : « Qui m’a établi sur vous pour être juge ou pour faire des partages ? » (Luc 12.14).

Dieu n’est ni capitaliste, ni communiste ou socialiste. S’ils veulent bien s’en donner la peine, les êtres humains sont capables de gouverner, d’exercer la justice, de punir s’il le faut, de partager des biens d’une manière équitable (voir Romains 13.1 suiv.). Dieu n’a pas besoin d’y être mêlé. Que les autorités fassent leur « boulot ». Que chacun agisse avec respect et justice et qu’on cesse de se décharger sur Dieu des responsabilités qui sont les nôtres.

Ce qui ne signifie pas que Dieu n’est pas concerné par les injustices, les abus, la misère de tant de vies humaines découlant de ces abus. Mais la question fondamentale est celle-ci : Dieu a-t-il choisi de prendre part ou de prendre parti pour les politiques humaines dans le combat contre les injustices, les abus et la misère ? Quels sont les moyens que Dieu met à notre disposition pour contrer ou réparer les injustices, les abus ou la misère ? Est-ce l’autorité politique humaine ? Est-ce la violence ou la force ? Est-ce la lutte des classes ? Est-ce la fatalité ? Est-ce simplement « faire la charité » ? Est-ce la promesse d’une vie meilleure après la mort ? Le Nouveau Testament répond que ce n’est rien de tout cela. C’est l’appel à être disciples de Jésus qui est le moyen employé par Dieu pour changer l’être humain et la société.

5e erreur. Dieu ne peut ou ne veut rien faire pour aider les hommes à être plus justes et plus équitables.

On peut aussi décrire cette conception erronée à propos de Dieu ainsi : Dieu ne s’intéresse pas à ce qu’il y ait plus de justice sur la terre ; ou Dieu n’a rien prévu pour rendre la vie plus supportable aux êtres humains ; ou encore la justice est uniquement l’affaire des politiciens, des juges et des avocats. Kaliayev dit : « Dieu ne peut rien. La justice est notre affaire » (Acte IV). Il raconte la légende de Dimitri qui ne put jamais rencontrer Dieu avec qui il avait un rendez-vous. Il ne pouvait rencontrer Dieu parce que chaque fois il en était empêché par un malheureux à qui il fallait rendre service (Acte IV). Pourtant, c’est Dieu lui-même qui nous apprend par Jésus-Christ qu’aimer et servir celui que nous rencontrons dans le besoin ou la souffrance, c’est déjà rencontrer Dieu et le servir en personne (Luc 10.25-37 et Matthieu 25.35 suiv).

Kaliayev semble dire que s’il n’a pas été au rendez-vous de Dieu c’est parce qu’il a passé trop de temps à secourir des pauvres et des malheureux : « Il y a ceux qui arriveront toujours en retard au rendez-vous parce qu’il y a trop de charrettes embourbées et trop de frères à secourir. »

D’où provient cette conception d’un Dieu qui serait jaloux de la bonté des hommes envers leurs semblables ? Et tous cas, pas de la Bible. Le révolutionnaire n’a pas réfléchi ou a voulu ignorer que c’est précisément grâce à Dieu qu’il a ce désir de servir le prochain. C’est grâce à Dieu qu’il sait qu’il faut aimer. Il se fait donc une gloire de sa générosité, de son sens de la justice, de son amour du prochain et se sert même de ces qualités pour rejeter Dieu. À l’instar de beaucoup de gens de nos jours, Kaliayev ne voit pas que les notions d’amour, de générosité, de service au prochain, n’ont pas leur source en l’être humain, mais en Christ, en sa parole et en sa vie.

« Les Justes » et le terrorisme

À la lecture de cette pièce, il apparaît que Camus entrevoyait le gouffre sans fond du terrorisme. Une fois le mécanisme de la justification du terrorisme enclenché, rien ne peut limiter ou arrêter ce phénomène.

Dans la pièce Stephan est le terroriste pour qui tout est permis. Pour lui le meurtre d’enfants est même autorisé pour combattre l’injustice et établir la justice. Cependant Kaliayev (le croyant) annonce que le terrorisme est une autre forme d’acceptation du despotisme (il représente à mon avis le point de vue d’Albert Camus). Kaliayev dit : « Mais derrière ce que tu dis, je vois s’annoncer un despotisme qui, s’il s’installe jamais, ferai de moi un assassin alors que j’essaie d’être un justicier. »

En Romains 13 Paul établit le principe fondamental selon lequel toute lutte contre l’injustice devient en raison de la violence une autre forme d’injustice : « Ne rendez à personne le mal pour le mal. » À plusieurs reprises les jeunes terroristes de la pièce affirment que le terrorisme leur est imposé comme une nécessité morale (Acte III : « Oh il faut que je le tue ! »). En somme, celui qui, face à l’injustice du monde, ne réagit pas avec violence et haine jusqu’au point de tuer… celui-là commet une action immorale et injuste. Cette justification « morale » d’un acte immoral est une des sources du terrorisme d’aujourd’hui.

La terroriste Dora est une « résignée » de la violence comme on en rencontre de nos jours. Hélas, pour elle il n’y a pas d’autre moyen pour opposer l’injustice ou aider à établir plus de justice. Elle prétend même qu’aimer le prochain, lorsqu’il s’agit d’injustice, constitue une trahison de la justice. Elle le dit à Kaliayev : « Ceux qui aiment vraiment la justice n’ont pas droit à l’amour. » De sorte que les jeunes terroristes de la pièce s’interdisent d’aimer ou d’être aimés, car s’ils aimaient ils ne pourraient plus haïr les injustes et ainsi accomplir leur devoir.

Pour les jeunes terroristes de la pièce, l’amour et la justice sont incompatibles. Ils attendent plus de justice sur la terre pour pouvoir aimer le prochain. Ils considèrent même l’amour du prochain comme une trahison de la justice tant qu’il y a de l’injustice en ce monde. C’est précisément ce que bon nombre de gens prétendent de nos jours.

Le disciple de Jésus sait ou devrait savoir que l’amour sans la justice n’est qu’hypocrisie (1 Jean 3.18 ; Jacques 2.1sv). Il sait aussi que la justice sans amour ne peut qu’entraîner les êtres humains dans le cycle infernal de la haine et de la violence.

Les jeunes révolutionnaires de la pièce estiment qu’ils sont au-dessus des exigences de l’amour puisqu’ils sont au service de la justice. Ils se considèrent comme des sacrifiés pour le compte de la justice. Dora s’exclame : « Nous ne sommes pas de ce monde, nous sommes des justes ! » (Acte III). Pour Stephan l’amour est même quelque chose d’ignoble. La haine étant pour lui la vertu cardinale du révolutionnaire ou de celui qui aspire à la justice, Stephan s’emporte contre ceux qui parlent d’amour. Il clame le droit de haïr parce qu’il a lui-même passé trois années au bagne. Pourtant, il se reprend et reconnaît ne pas avoir la force d’aimer (Acte III).

À l’instar de certains Stephan pense que ses souffrances lui donnent le droit de faire souffrir les autres. Cependant, il soulève une difficulté non négligeable lorsqu’il reconnaît qu’il est difficile d’aimer, difficile de trouver la force d’aimer. Lorsque nous voyons la haine se déchaîner autour de nous, lorsque nous avons subi ou subissons la haine, c’est la force du Seigneur qu’il nous faut pour pouvoir aimer. Cette force est un don de Dieu, un effet de la grâce de Dieu – la grâce de celui qui a « versé dans nos cœurs l’amour par son Esprit » (Romains 5.5).

Le terroriste Stephan a assassiné un homme, mais il refuse de porter la responsabilité de son acte. Il raisonne comme beaucoup de terroristes : il a tué mais ce sont les autres qui sont fautifs ; dans la pièce les nantis, les nobles de la Russie (Acte IV). Mais la Parole de Dieu nous interdit de faire porter à autrui – même aux injustes – la responsabilité de nos actes : « La justice du juste sera sur lui, et la méchanceté du méchant sera sur lui » (Ézéchiel 18.19sv). Tant que les êtres humains sous prétexte d’injustices continueront à prétendre qu’ils ne sont pas personnellement responsables de leurs actes, l’escalade de la violence ne pourra que s’accroître.

Conclusion

La révélation de Dieu est littéralement un « dévoilement » de quelque chose qui était caché à nos yeux (comme lorsqu’une statue a été faite par un sculpteur et qu’on la recouvre jusqu’au jour où elle est visible de tous). Nous ne percevons qu’une partie infime de la réalité et ne connaissons Dieu que d’une manière limitée. Toutefois cette connaissance nous permet de connaître son dessein envers les hommes qui est un dessein de salut et de vie et que nous devons transmettre à nos enfants. « Les choses cachées sont pour l’Éternel notre Dieu ; les choses révélées sont pour nous et nos enfants, à toujours, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi » (Deutéronome 29.29).


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